J'assistais l'autre jour à la soutenance de thèse de Benjamin, auteur du Bactérioblog. Au-delà d'une prestation impressionante (mais on n'en attendait pas moins), couronnée d'une mention "très honorable" (la meilleure), j'ai eu devant moi non pas un chercheur mais un chercheur-blogueur. Une de ces créatures hybrides dont je parlais il y a quelques temps. Un chercheur dont l'approche de la science et le travail sont marqués par une grande curiosité pour les conditions de production des connaissances scientifiques, un fort souci pédagogique et des parti-pris marqués.

Ainsi, le chapitre d'introduction du manuscrit de thèse s'attardait longuement sur l'origine des biofilms dans la nature, la façon dont les chercheurs ont été amené à s'y intéresser et l'évolution des conceptions. Un genre que Benjamin avait déjà exploré dans ses billets sur l'origine des antibiotiques ou celle des vaccins. Une des rapporteuses n'a pas manqué d'être étonnée par ces vingt première pages qu'elle a qualifiées de philosophiques et sociologiques. Son incompréhension totale du travail de Benjamin (marquée par la surprise mais aussi les qualificatifs impropres employés) n'était pas partagée par tous les membres du jury, montrant le fossé qui peut exister au sein de la communauté scientifique.

Autre exemple : une des illustrations de l'introduction de thèse reflétait l'évolution du nombre d'articles consacrés aux biofilms, selon la base Pubmed. Tiens tiens… Benjamin avait déjà effectué ce travail de bibliométrie dans un billet consacré au prix Nobel Sydney Brenner, en avril 2007. Force est de constater que l'activité bloguesque permet d'enrichir le travail de recherche… D'autres blogueurs de science pourront, j'en suis sûr, détailler en commentaire d'autres exemples de ces fertilisations croisées.

Troisième exemple : le diaporama de soutenance (sous Keynote) de Benjamin était truffé d'animations, une technique qu'il avait expérimentée sur son blog pour expliquer la coloration de Gram. À nouveau, le blog permet de sortir de sa zone de confort et d'expérimenter de nouvelles façons de communiquer, que l'on peut retrouver ensuite dans des travaux plus académiques. Abel Pharmboy le montre à sa manière dans son dernier billet.

Benjamin a finalement décidé d'explorer d'autres voies et de quitter le monde de la recherche. Le jury s'est presque senti trahi par cette décision. Son directeur de thèse a indirectement été forcé de reconnaître combien le chercheur-blogueur bouscule les cadres rigide du monde de la recherche : plus rapidement autonome, sans doute plus impatient, il doit alimenter sa recherche par de nouvelles perspectives s'il ne veut pas se retrouver étranger à son propre monde. Pour ledit directeur de thèse, le départ de Benjamin doit être mis sur le dos de la peur de la difficulté — ce qui évite de s'interroger sur le fonctionnement de la recherche scientifique. Le directeur du jury, lui, était plus ouvert à l'idée que certains cerveaux peuvent se sentir à l'étroit dans un laboratoire. Espérons que notre chercheur-blogueur, à défaut d'être toujours un chercheur, restera un blogueur !!