La nouvelle version du Journal du CNRS, désormais en ligne, a été saluée lors de son lancement le 3 mars dernier : voilà un webzine de haute volée, avec une approche éditoriale et une conception technique et graphique à la pointe. Les louanges ont plu, sur Twitter ou (par exemple) dans L’Express. Le site offrait, semble-t-il, tout ce qu’on pouvait attendre du CNRS.

CNRS_le_journal

Sauf que le lendemain, le Wellcome Trust (fondation à but non lucratif et plus grand financeur privé de la recherche en Grande-Bretagne) lançait également son nouveau webzine : Mosaic. Avec un plan média un peu plus poussé (présent sur Twitter, il compte déjà près de 5 000 abonnés) et surtout, surtout, une licence libre :

If you like our written stories, feel free to take them and republish them – they’re all licensed under Creative Commons. This means you’re likely to see our stories cropping up on various other sites around the web, including major media outlets.

Si vous aimez nos articles et reportages, vous êtes libres de les reprendre et les republier — ils sont tous placés sous licence Creative Commons. Ce qui signifie que vous croiserez probablement nos articles sur d’autres sites web, y compris d’importants médias en ligne.

Et effectivement, les articles de Mosaic ont déjà été repris par BBC Future, The Guardian, Gizmodo, CNN, The Independent

A priori, les prétentions du Journal du CNRS sont du même ordre (je souligne) :

Avec le lancement de CNRSlejournal.fr, et conformément à sa mission de diffusion des connaissances, le CNRS sort de sa réserve pour investir l’univers des médias numériques. L’objectif est clairement affiché : partager largement avec les amateurs de science, les professeurs et leurs élèves, les étudiants et tous les citoyens curieux, des contenus que nous destinions jusque-là à la communauté des agents du CNRS, chercheurs, ingénieurs et techniciens, ceux des labos comme ceux des bureaux. Avec ce nouveau site, le CNRS opère une petite révolution pour toucher le plus grand nombre (…).

Pour traduire ces paroles en actes et diffuser réellement des connaissances au plus grand nombre, vous comprendrez comme le Wellcome Trust que rien ne vaut une licence libre. Surtout quand on est un organisme public. Et pourtant, ce n’est pas le cas.

Je ne dis pas que l’équipe de Mosaic a fait ce choix facilement, sans se poser de questions. Ils racontent sur leur blog que la décision a fait débat, pour plusieurs raisons :

  • les licences Creative Commons sont très peu employées dans le journalisme (ils citent deux contre-exemples : Propublica et The Conversation)
  • si un article est repris et (mal) modifié, ça pourrait déformer le sens de l’article original ou faire du mal à la réputation des auteurs
  • si une enquête est co-financée par d’autres organisations, cette licence pourrait ne pas leur convenir.

Heureusement, la vision bienveillante selon laquelle une licence CC-BY permet à n’importe qui de republier un article sur son site/blog ou dans son magazine, de le traduire dans une autre langue, d’en publier une version raccourcie… était plus forte.

Et des protections existent : si une adaptation est jugée mauvaise, la citation du texte original et l’obligation de signaler en quoi il a été adapté protègent les auteurs. De plus, leur droit moral leur permet d’interdire une republication qui porterait préjudice à leur honneur ou réputation. Quant aux auteurs des articles, leur rémunération est compétitive et ils seront satisfaits de gagner ainsi un lectorat supplémentaire.

Il semble donc que la communication scientifique institutionnelle a su se hisser dans les deux pays à la hauteur des attentes du public en matière de beau et de bon… mais que la France est encore accrochée au schéma classique du contenu “fermé” et propriétaire. Interpellé à ce sujet sur Twitter, le directeur adjoint de la communication du CNRS et rédacteur en chef du Journal du CNRS, ne m’a pas répondu. J’espère que les futurs choix stratégiques du Journal du CNRS, ou de ses pairs, sauront corriger ce travers !

Mise à jour du 2 juin : Précision concernant le statut juridique du Wellcome Trust.