La science, la cité

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Compte-rendu du World Knowledge Dialogue Symposium

Les affaires urgentes expédiées, voici enfin le compte-rendu de ce symposium à  Crans-Montana (Suisse). Même si mes lecteurs suisses ont pu déjà  en entendre un avant-goût dans l'émission "Impatience", sur la 1ère :

Concrètement, ce fut un colloque très riche, grâce à  la diversité des participants (et pas que des intervenants, j'y reviendrai) et de la magnifique ambiance qui a régné au sein du groupe des étudiants et a permis des rencontres inédites. C'est pas tous les jours que l'on rencontre un panel de jeunes d'horizons divers (psychologie, sociologie, graphisme, robotique, neurosciences, bioéthique, ingénierie…) extrêmement curieux et intelligents. Si si, je tenais à  le dire !

L'objectif principal du symposium était de mettre en pratique les acquis de la première édition en 2006, c'est-à -dire de faire dialoguer les savoirs (sciences naturelles et humanités) autour de deux thèmes principaux : comportement coordonné, altruisme et conflit / intelligence collective en réseau et savoir individuel. La forme du symposium était pensée pour réfléchir à  la fois aux conditions de ce dialogue (première et dernière journées) et le mettre en œuvre (deux journées du milieu). Je ne reviendrai pas sur la méta-réflexion, qui est souvent trop abstraite à  mon goût, mais soulignerai la pertinence du choix des présentateurs qui sont intervenus sur l'un des deux thèmes. Celui sur le comportement, par exemple, a démarré avec une très bonne présentation de Raghavendra Gadagkar sur la coopération chez les insectes sociaux (vidéo - liveblog), suivie d'une encore meilleure présentation de Frans de Waal sur l'empathie et le sentiment de justice chez les primates (vidéo - liveblog) et suivie d'une intéressante présentation de Karen Cook sur la confiance et la coopération dans les relations sociales (vidéo - liveblog). Après la pause, l'ancien Haut commissaire aux réfugiés des Nations unies Jean-Pierre Hocké est venu présenter des problèmes concrets (vidéo - liveblog) et a voulu amorcer un dialogue avec les trois scientifiques du panel. L'enchaînement des présentations et leur gradation, de l'insecte aux conflits humains, sont absolument exemplaires et représentatifs du travail qui a été fourni pour réunir les meilleurs conférenciers sur chaque sujet.

Le dialogue attendu, malheureusement, n'a pas eu lieu, probablement parce que chaque scientifique s'est replié sur sa discipline et sa micro-compétence lorsque Jean-Pierre Hocké a appelé à  l'aide. Certes, il faut être humble, comme l'ont répété à  plusieurs reprises les scientifiques intervenants. Mais ne faut-il pas essayer d'ouvrir des portes et de voir comment rassembler les compétences peut apporter quelques solutions à  des problèmes concrets ?

D'autres occasions de dialogue ont été manquées, trop nombreuses à  mon goût. Lorsque la philosophe Gloria Origgi a posé une question au biologiste Edward Wilson sur l'historicité des concepts qu'il manipule, comme l'altruisme (introduit par Auguste Comte dans son Catéchisme positiviste), celui-ci a répondu complètement à  côté. Certes, il n'avait probablement pas de réponse et c'est sans doute une question qu'il n'a jamais considérée. Mais l'espace était justement ouvert pour que la discussion s'engage… Dommage !

 World Knowledge Dialogue 2008

Quelques difficultés ont également émergé. Faut-il parler de trans-, inter- ou pluri-disciplinarité ? Pour le philosophe Paul Boghossian, cela ne fait aucun doute : nous sommes à  l'ère de la pluri-disciplinarité, c'est-à -dire de l'échange entre disciplines qui ont des choses à  se dire, plutôt que dans celle de la trans-disciplinarité qui cherche à  abattre les murs des disciplines ou celle de l'inter-disciplinarité qui suppose quelques électrons libres naviguant à  leur gré entre plusieurs champs auxquels ils n'appartiennent pas vraiment. Autre question : le dialogue des savois vise-t-il de nouvelles avancées théoriques ou à  résoudre des problèmes pratiques ? Si la première réponse est la bonne, il faut se méfier du mélange des genres : Paul Boghossian, réagissant notamment à  plusieurs remarques de Wilson, a particulièrement insisté sur le fait qu'avoir une explication évolutive au fait que l'homme croit que 1+1=2 n'équivaut pas à  l'explication de cette égalité.

Bref, cette difficulté du dialogue me fait dire que Marie-Claude Roland a décidément raison :

Le discours scientifique s'est accommodé d'un "prêt-à -écrire" qui a peu à  peu fourni aux chercheurs un ersatz, sous forme de "prêt-à -penser", les privant du goût d'argumenter, de débattre et de s'engager dans des controverses. (…) ce sont des générations entières de jeunes chercheurs qui en font les frais: les compétences qu'on attend d'eux – esprit critique, capacité à  formuler et manier des concepts, à  défendre ses idées et à  se relier à  la société –, sont en effet très difficiles à  acquérir et à  développer dans l'environnement de recherche actuel.

Teaser : prochainement si tout va bien, quelques réflexions sur les anciens prix Nobel...

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En route pour la Suisse et le World Knowledge Dialogue Symposium !

J'ai l'honneur, après avoir candidaté en tant qu'étudiant de Master, d'être invité au World Knowledge Dialogue Symposium 2008 qui se tient dans les montagnes suisses de mercredi après-midi à  samedi matin. Cet événement biannuel réunit tous le gratin de la matière grise mondiale, avec cette année Edward O. Wilson (le père du concept de biodiversité mais aussi de la sociobiologie), l'éthologue Frans de Waal, le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, le prix Nobel de chimie Richard R. Ernst et les prix Nobel de physiologie-médecine John Sulston et Christiane N-usslein-Volhard. Kofi Annan avait été annoncé mais ne figure plus au programme, snifff. Heureusement, il reste mes petits chouchous à  moi (s'ils m'autorisent cette familiarité) : Joël de Rosnay, dont les livres m'ont accompagné toute ma jeunesse, et Florence Devouard, ingénieur agronome et ancienne présidente du conseil d'administration de la Fondation Wikimedia.

Ce "Davos de la science" (l'expression est de moi) s'organise cette année autour de deux thèmes interdisciplinaires :

  • intelligence collective en réseau et savoir individuel : convergences et divergences
  • comportement coordonné, altruisme et conflit : du comportement animal à  l'économie et la prévention de la violence.

Comme il m'est demandé de travailler et participer activement au forum, je ne garantis pas de live-blogging, auquel cas je ferai un compte-rendu circonstancié plus tard. Sinon, c'est à  suivre ci-dessous. Je me dois aussi de vous prévenir : j'ai une prévention naturelle contre ce genre d'évenements où l'on croit résoudre les problèmes du monde en deux coups de cuillère à  pot et autour de quelques petits fours, donc le défi pour eux sera de me faire revenir enthousiaste (mais il est prévu du Steve Reich et John Cage au concert de gala, je devrai au moins aller mieux après ça !).

P.S. : Certaines conférences sont ouvertes au public, pour ceux qui n'habitent pas loin de Crans-Montana.

 

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Des chimistes iraniens victimes de l'embargo

La fameuse American Chemical Society (ACS), organisation à  but non lucratif financée par l'Etat américain, et à  qui on doit notamment les Chemical Abstracts indispensables à  tout chimiste, fait parler d'elle. Comme le rapporte un entrefilet paru dans la revue Science, elle vient de décider discrètement d'exclure tous ses membres iraniens (soit 36 au total). Cette mesure motivée par l'embargo américain vis-à -vis de l'Iran n'a été ni réclamée par le gouvernement, ni justifiée par les status qui précisent à  propos des exclusions (Article IV, Section 3) :

A member may be dropped from membership for nonpayment of dues or for conduct which in anywise tends to injure the SOCIETY or to affect adversely its reputation or which is contrary to or destructive of its objects. No member shall be dropped except after opportunity to be heard as provided in the Bylaws.

ACS se justifie en affirmant que l'embargo lui interdit de fournir un quelconque produit ou service à  des iraniens, par exemple la fourniture de portails d'accès à  l'information scientifique ou de service de commande de publications à  prix réduit. Au détriment d'une recherche scientifique qui se voudrait internationale et désintéressée... Pourtant, il est d'usage dans ce type de situations de continuer à  fournir des services aux membres concernés, éventuellement en réclamant une "licence" particulière pour être sûr de son bon droit. Pas d'exclure unilatéralement des membres !

Les développements sont à  suivre sur le blog de Khosrow Allaf Akbari.

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