Les associations citoyennes qui s'emparent de la question de la recherche scientifique ou des thématiques sociétales liées à  la science — comme le MDRGF — n'hésitent pas à  puiser dans la littérature scientifique pour appuyer leur argumentation, et c'est tant mieux. Puisqu'elles situent le débat sur le terrain de la science, autant s'y "battre" avec les mêmes armes. C'est tant mieux aussi que la croissance des revues en accès libre leur ôte la barrière des abonnements hors de prix et rende cette information librement accessible.

Cependant, ces associations ne sont pas forcément conscientes des imperfections même du système de communication scientifique, qui peuvent biaiser toute la discussion. Je m'explique. Comme le souligne un courrier publié dans Nature du mercredi 15 février, il est souvent très difficile — voire impossible — de publier des résultats dits "négatifs", montrant par exemple l'absence de contamination d'OGM d'un champ à  un autre. Et ces résultats peu excitants sont rarement repris par la presse généraliste. A l'inverse, une étude démontrant une contamination pourra faire la "une" de Nature et sera largement reprise.

Autre biais souligné dans un courrier à  Nature, lorsqu'une étude est publiée et largement commentée par les médias — comme celle sur la toxicité du maïs Bt sur le papillon Monarque aux Etats-Unis ou sur la contamination du maïs sauvage par du maïs OGM au Mexique —, une étude qui la dément quelques mois ou années plus tard ne paraît pas forcément dans la même revue à  fort impact que l'étude originale et bénéficie rarement de la même audience. D'où des résultats qui sont encore et toujours assénés alors qu'ils ont été largement infirmés par la suite, mais dans l'indifférence (presque) générale.

Or si la publication des résultats — que l'on suppose a priori neutre et "démocratique" — est fondamentalement biaisée, la discussion citoyenne n'en est que plus truquée. Sans que l'on en ait forcément conscience... Peut-être faudrait-il donc plutôt se fier à  la littérature secondaire, comme les rapports de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), qui passent au crible la littérature existante et l'éclaire des connaissances des experts. Mais on revient alors au problème de la confiance que l'on veut bien accorder à  l'expertise publique...