A la question toujours délicate de "comment faire le compte-rendu des progrès et hypothèses de la science ?", les médias américains (ainsi que les nôtres ?) ont trouvé la réponse dans ce qui leur est le plus familier : l'égalité des points de vue. De la même façon qu'ils n'hésitent pas à  traiter en égal la théorie de l'évolution et le créationnisme, ils rapportent les avancées de la science en donnant un temps de parole égal aux partisans d'une théorie et de l'autre — peu importe que "théorie" soit entendu dans le sens scientifique ou non.

C'est ce que déplorent dans le numéro 4 du magazine Seed deux activistes américains, Laurie David et Stephen Schneider, "lanceurs d'alerte" sur la question du réchauffement climatique. Sujet sur lequel ils ont du mal à  se faire entendre au pays de Bush... Au cours de leur discussion, ils constatent :

You have a media that is derelict and lazy. They use the excuse that it's balanced if you get the Democrat and get the Republican. Well, in political reporting that's balanced, but not in science. In science you have to report the quality of the arguments, not simply who said them. (Vous avez des médias qui sont en ruine et paresseux. Ils se justifient en arguant que c'est équilibré et juste d'avoir les Démocrates puis les Républicains. Oui, pour le journalisme politique c'est équilibré, mais pas en science. En science vous devez rendre compte de la qualité des arguments, pas seulement de qui les a avancés.)

La question est brûlante alors que la science entre de plein pied dans l'ère du politique. Ces deux experts ont une argumentation saine et fondée, qui vise une meilleure démocratie scientifique en pariant d'abord sur une bonne couverture "scientifique" des médias. Mais difficile à  mettre en pratique : la science elle-même ne progresse-t-elle pas à  tâtons, lorsqu'on lui oppose des arguments ou théories nouvelles ? La solution serait peut-être que les médias précisent la qualité de la source et de donner aux citoyens les moyens d'y accéder. Et surtout, de développer la culture scientifique pour chacun puisse in fine faire la part du fantasme pseudo-scientifique et de la théorie la plus fondée.