Les déclarations d'intérêts, peu suivies en réalité
26
nov.
2006
En juin dernier, je remarquais que la déclaration d'intérêts que doit remplir chaque chercheur qui publie un article ou siège à un comité d'experts est une des mesures mises en place pour limiter les collusions d'intérêts et obliger à un peu de transparence. Dans le cas des articles de recherche, les déclarations sont publiées et doivent permettre une lecture plus critique d'une étude réalisée par un chercheur ayant des intérêts financiers dans une start-up ou des contrats de valorisation en cours.
Pourtant, comme le rapporte l'association GeneWatch UK, ces règles sont peu suivies en réalité et les déclarations d'intérêt sont très souvent incomplètes, donc mensongères. C'est le résultat d'une étude publiée en septembre 2006 dans le Journal of Medical Ethics : une analyse des articles de biologie moléculaire et génétique publiés dans Nature entre janvier et juin 2005 fait apparaître que les auteurs de sept articles n'ont pas révélé qu'ils avaient une demande de brevet en cours et que ceux d'un huitième article avaient caché des des connections avec l'industrie biotech. Pourtant, le dépôt de brevets fait bien partie des "intérêts" qui doivent être déclarés à la revue Nature. Pour Sue Mayer, auteur de l'étude, cela s'apparente à de la publicité déguisée...
L'association GeneWatch UK demande donc :
- que des sanctions soient imposées par les revues aux auteurs qui auraient caché des intérêts — par exemple un "boycott" temporaire de cet auteur ;
- que les universités et instituts de recherche établissent un registre public des competing interests de leurs chercheurs ;
- que les revues fasse un réel effort envers les déclarations d'intérêts et qu'elles les publient en même temps que l'article et non à part sur le site web comme c'est le cas chez Nature.
Commentaires
J'ai un article sur mon bureau qui attend de ma part une lecture attentive depuis quelques jours (mais tellement d'autres choses à faire avant...) qui parle de ca, notamment en pharmaco... Ton billet me donne envie de m'y plonger un peu plus..
Pour avoir un peu discuté du problème, je pense que les trois demandes de GeneWatch sont louables, mais pas forcément efficaces...
Finalement, les points les plus
me semblent être les 2 et 3... de la à dire que tous joueront le jeu...Timothée > Je pense que la proposition 1 est tout à fait réalisable si l'on décide qu'il est crucial que soient déclarés les intérêts des auteurs et que cela devienne une "norme" (au sens de Merton) de la communauté scientifique. D'autant que dans le cas d'une revue prestigieuse comme Nature, ce sont plus les auteurs que la revue qui auront à pâtir d'une interdiction temporaire de publier... Pour la proposition 2, je n'arrive plus à remettre la main sur un article que j'ai lu récemment où des journalistes qui enquêtaient sur un chercheur controversé n'avaient pas réussi à obtenir de son université américaine la déclaration d'intérêts qu'il y a nécessairement rempli. Je crois que cette transparence peut être réellement bénéfique si effectivement elle ne contrevient pas aux règlements en vigueur (mais bon, il me semble que les déclarations d'intérêts publiques existent déjà en politique et notamment pour les députés européens — mais je peux me tromper). Pour le point 3, je te rejoins, c'est à la portée de toutes les revues et il semble en effet que Nature est une des seules qui ne s'y soumette pas encore...