La science, la cité

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Mot-clé : watchdog

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Une association dénonce les manquements d'une université

J'ai déjà  souligné ici les contributions importantes des groupes de vigilance (watchdogs) pour la transparence et l'éthique dans la recherche. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de dénoncer des collusions d'intérêts, des pressions inavouables ou des manquements à  l'éthique.

Il y a un peu de tout cela dans l'affaire de l'université A&M du Texas, comme le raconte le magazine Scientific American dans son numéro d'août. Tout commence en février 2006 quand une étudiante mal équipée nettoie un laboratoire de niveau P3. Le laboratoire travaille sur la brucellose et elle attrape cette maladie mortelle, classée comme arme biologique potentielle par le gouvernement américain. L'étudiante tient alors le lit pendant plusieurs semaines, ignorant la raison de ses fièvres. Quand son docteur diagnostique la brucellose deux mois plus tard, elle en informe l'université, qui garde le silence (alors qu'elle est censée en informer le CDC) et attend un an avant de rendre compte de l'incident... sous la pression du Sunshine Project, une association de chiens de garde sur les armes biologiques. Celui-ci avait menacé l'université de tout dire si elle ne le faisait pas elle-même, et la poursuit maintenant devant la justice : l'université risque une amende de 500 000 $ et jusqu'à  250 000 $ par personne qui aurait tu l'incident.

Le même article nous apprend que ces contaminations, bien que rares, ne sont pas inexistantes. Espérons que l'exemple ci-dessus inspirera les autres organismes de recherche ou université à  qui cela devait arriver, malgré la pression très forte qui les pousse à  ne rien dire pour sauver leur image et permettre aux laboratoires de niveau P3 ou P4 de continuer !

Mà J 04/10 : Quinze jours après mon billet, la revue Science abordait également cette affaire en posant la question : "Nos laboratoires de recherche en biosécurité sont-ils sûrs ?"

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Les déclarations d'intérêts, peu suivies en réalité

En juin dernier, je remarquais que la déclaration d'intérêts que doit remplir chaque chercheur qui publie un article ou siège à  un comité d'experts est une des mesures mises en place pour limiter les collusions d'intérêts et obliger à  un peu de transparence. Dans le cas des articles de recherche, les déclarations sont publiées et doivent permettre une lecture plus critique d'une étude réalisée par un chercheur ayant des intérêts financiers dans une start-up ou des contrats de valorisation en cours.

Pourtant, comme le rapporte l'association GeneWatch UK, ces règles sont peu suivies en réalité et les déclarations d'intérêt sont très souvent incomplètes, donc mensongères. C'est le résultat d'une étude publiée en septembre 2006 dans le Journal of Medical Ethics : une analyse des articles de biologie moléculaire et génétique publiés dans Nature entre janvier et juin 2005 fait apparaître que les auteurs de sept articles n'ont pas révélé qu'ils avaient une demande de brevet en cours et que ceux d'un huitième article avaient caché des des connections avec l'industrie biotech. Pourtant, le dépôt de brevets fait bien partie des "intérêts" qui doivent être déclarés à  la revue Nature. Pour Sue Mayer, auteur de l'étude, cela s'apparente à  de la publicité déguisée...

L'association GeneWatch UK demande donc :

  • que des sanctions soient imposées par les revues aux auteurs qui auraient caché des intérêts — par exemple un "boycott" temporaire de cet auteur ;
  • que les universités et instituts de recherche établissent un registre public des competing interests de leurs chercheurs ;
  • que les revues fasse un réel effort envers les déclarations d'intérêts et qu'elles les publient en même temps que l'article et non à  part sur le site web comme c'est le cas chez Nature.

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Une association obtient la rétraction d'un article frauduleux

La science progresse naturellement par tâtonnements ; des impasses succèdent à  des percées. Mais il est anormal que des percées se révèlent être des impasses parce qu'elles n'étaient que fraude. Dans le cas du Dr Hwang en Corée, la fraude sur le clonage a été démasquée par la communauté scientifique : le rôle de l'auto-régulation a joué à  plein. Or, dans un autre cas de fraude qui vient de se dénouer, c'est la surveillance de l'association Environmental Working Group qui a permis de mettre au jour l'affaire.

Il s'agit de l'histoire, désormais célèbre, qui a inspiré le film Erin Brockovich : l'entreprise Pacific Gas & Electric (PG&E), accusée de contaminer l'eau potable de la ville de Hinley en Californie par du chrome 6 et de provoquer des cancers en série, embauche la firme ChemRisk pour analyse et enquête. Cette société spécialisée s'intéresse aux liens entre maladies et chrome 6, et trouve un expert chinois retraité, Zhang, qui possède des données épidémiologiques de première main. Les données sont analysées par ChemRisk et les résultats publiés en 1997 dans un article du Journal of Occupational and Environmental Medicine. Aux noms de Zhang et Li, malgré l'opposition de l'expert. Les résultats publiés réfutent la présence d'un lien entre chrome 6 et cancers, dédouanent PG&E et sont repris par la suite par de nombreux panels d'experts donnant leur avis sur les critères des eaux potables en Californie...

L'association de chiens de garde (watchdogs) a découvert qu'en fait, les données avaient été manipulées et les résultats publiés contraires aux conclusions correctes. Point final de l'histoire, le Journal of Occupational and Environmental Medicine vient de rétracter l'article.

Avec une science qui accroit et complexifie ses rapports avec l'éthique, le politique, l'économique, les citoyens ont effectivement un rôle de premier plan à  jouer. Ils peuvent venir compléter l'auto-régulation, que la communauté scientifique a pris à  bras le corps en requérant désormais des auteurs une déclaration d'intérêts. L'exemple présent est hautement significatif, et symbolique.

[via Medical Writing Blog]

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