Autant j'aime beaucoup d'habitude le travail de l'organisation Sense about Science (notamment en matière de sensibilisation au peer review), autant leur dernière campagne est largement critiquable. Dans un document PDF de 2 pages (repris par le 20 minutes de Genève), ils répondent à  quelques jugements considérés comme erronés, impliquant la science et tenus par des célébrités (tant qu'à  faire...).

Si Madonna en prend avec raison pour son grade (parce qu'elle imagine qu'il est possible de neutraliser les radiations), d'autres réponses sont moins justifiées. Ainsi, à  la mannequin Elle MacPherson qui se dit heureuse de pouvoir nourrir sa famille avec de la nourriture qui évite des pesticides inutiles (unnecessary) et des additifs alimentaires nocifs, un toxicologue répond que les pesticides sont une part nécessaire de l'agriculture et une diététicienne ajoute que les additifs ne sont pas nocifs pour la plupart des personnes. La première de ces réponses est fausse puisque si l'alimentation de MacPherson, ou le bio en général, n'emploient pas de pesticides (sous-entendu "de synthèse") c'est bien parce que ceux-ci ne sont pas nécessaires (dans le sens de "qui ne peut pas ne pas être"). A moins de comprendre que dans le cadrage (implicite) de cet expert, l'agriculture se réduit à  l'agriculture productiviste et ne s'envisage pas autrement. Quant à  la seconde réponse, elle généralise en parlant de la plupart des personnes, ce qui est bien la position épistémologique de la science, mais ne répond pas aux préoccupations d'un individu en particulier, à  savoir Elle MacPhersen.

Autre exemple : à  l'actrice Joanna Lumley qui considère qu'on ne peut continuer à  gaver les animaux de produits chimiques et d'hormones de croissance, en mentionnant notamment l'explosion des cas de cancer, un docteur répond : 1) que le cancer n'explose pas, 2) qu'il est plus fréquent parce que les gens vivent plus vieux, 3) qu'il faut se baser sur les faits et non sur des peurs, 4) qu'il n'y a pas de preuve absolue que des additifs alimentaires causent le cancer et 5) que nous savons en revanche que la moitié des cancers sont dus au mode de vie (obésité etc.). Bref, il pinaille entre la réponse 1) et 2), en 4) il répond additifs alimentaires là  où Lumley parle d'hormones de croissance (alors qu'évidemment le problème n'est pas le même, souvenons-nous qu'en Europe la viande aux hormones américaine a été très controversée, y compris par les experts) et il se dédouane un peu trop facilement sur le mode de vie en 5) alors que des indices croissants laissent penser qu'il y a un lien avec des activités comme l'agriculture.

Attitude hautaine (les scientifiques interrogés sont à  tu et à  toi avec les stars citées et prennent un malin plaisir à  les détromper), citations sorties de leur contexte etc., voilà  un travail qui (à  mon avis) ne fait pas vraiment honneur à  la science ! Pas forcément par mauvaise volonté de la part des auteurs mais par la nature même du discours scientifique, qui ne peut s'empêcher d'être moralisant -- et qui est limité par ses propres présupposés : généralisation, réductionnisme etc. Surtout, en agissant ainsi et en se concentrant sur les faits, on rate la dimension cognitive et sociologique de ces discours profanes, et on retombe dans le malheureux travers du modèle de l'instruction publique...