La science, la cité

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Mot-clé : pesticides

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Histoire et sociologie de l'agriculture intensive et de son expertise

Depuis un certain temps que mûrit le projet d'entretiens filmés avec des chercheurs en philosophie, histoire et sociologie des sciences, je suis heureux d'annoncer enfin la naissance de la web TV "La science telle qu'elle se fait". C'est une initiative signée Deuxième labo, en partenariat avec deux doctorants de l'université de Strasbourg (Alexis Zimmer et Nils Kessel). Vous pouvez vous abonner pour recevoir les nouvelles vidéos dès leur mise en ligne (flux RSS / podcast iTunes), mais soyez assurés que j'en publierai également un certain nombre sur ce blog.

Première chercheuse à se plier à l'exercice, l'historienne Nathalie Jas (Université d'Orsay/Inra) nous raconte ci-dessous comment en est-on arrivé à l'agriculture moderne et quel a été le rôle de l'agronomie dans ce développement, puis discute le statut de l'agriculture biologique et des pesticides avant d'aborder la question de l'expertise en science.

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Soutenance, enfin

Après avoir terminé puis repris les études, me voici sur le point de terminer une seconde fois : mon mémoire de Master "Etudes sociales des sciences et des technologies" a été envoyé aux quatre membres du jury et je m'apprête à  le soutenir mardi prochain. Le sujet de ce travail, je crois, surprendra les lecteurs de ce blog : j'aurais pu me faciliter la tâche et choisir d'étudier les blogs de science, ou les manières de montrer la science en train de se faire, ou toute autre problématique souvent abordée ici-même. Au lieu de ça, il a fallu que mes études d'agronomie me fassent croiser la route des stimulateurs des défenses naturelles des plantes (SDN). Je leur ai consacré un travail bibliographique à  l'Agro, l'occasion de mieux comprendre cette famille originale de pesticides qui aide la plante à  se défendre (on les surnomme aussi "vaccins des plantes"). Mais je voyais bien que je ne pouvais comprendre que 50% des SDN. L'essentiel était invisible pour les yeux… de l'agronome. Il fallait faire œuvre de sociologue pour comprendre ce que travailler sur les SDN veut dire, ce qu'ils doivent déplacer et reconfigurer pour se faire une place au soleil. Bref, les SDN étaient le premier objet "hybdride" (pour reprendre la terminologie de la sociologie des sciences) que je rencontrais pour de vrai.

Du coup, dès que je me suis inscrit en Master, j'ai demandé si l'on était libre de choisir son sujet de mémoire, pour pouvoir le leur consacrer. C'est chose faite, et j'ai cherché à  les accommoder à  la façon de mon autre obsession : Bruno Latour. La soutenance ci-dessous, offerte sous la forme d'un slidecast (c'est-à -dire avec ma douce voix en prime), vous permettra donc de tout savoir (ou presque) sur les SDN avec une approche latourienne. Je ne mets pas mon mémoire en ligne, parce que j'y cite nommément un paquet de chercheurs qui n'ont pas donné leur accord pour voir leurs propos étalés ici. Mais voici déjà  une bonne synthèse et si une version anonymisée devait sortir un jour (pour un article scientifique ?), vous serez les premiers avertis…

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Quand les célébrités disent des bêtises, les scientifiques ne valent pas forcément mieux...

Autant j'aime beaucoup d'habitude le travail de l'organisation Sense about Science (notamment en matière de sensibilisation au peer review), autant leur dernière campagne est largement critiquable. Dans un document PDF de 2 pages (repris par le 20 minutes de Genève), ils répondent à  quelques jugements considérés comme erronés, impliquant la science et tenus par des célébrités (tant qu'à  faire...).

Si Madonna en prend avec raison pour son grade (parce qu'elle imagine qu'il est possible de neutraliser les radiations), d'autres réponses sont moins justifiées. Ainsi, à  la mannequin Elle MacPherson qui se dit heureuse de pouvoir nourrir sa famille avec de la nourriture qui évite des pesticides inutiles (unnecessary) et des additifs alimentaires nocifs, un toxicologue répond que les pesticides sont une part nécessaire de l'agriculture et une diététicienne ajoute que les additifs ne sont pas nocifs pour la plupart des personnes. La première de ces réponses est fausse puisque si l'alimentation de MacPherson, ou le bio en général, n'emploient pas de pesticides (sous-entendu "de synthèse") c'est bien parce que ceux-ci ne sont pas nécessaires (dans le sens de "qui ne peut pas ne pas être"). A moins de comprendre que dans le cadrage (implicite) de cet expert, l'agriculture se réduit à  l'agriculture productiviste et ne s'envisage pas autrement. Quant à  la seconde réponse, elle généralise en parlant de la plupart des personnes, ce qui est bien la position épistémologique de la science, mais ne répond pas aux préoccupations d'un individu en particulier, à  savoir Elle MacPhersen.

Autre exemple : à  l'actrice Joanna Lumley qui considère qu'on ne peut continuer à  gaver les animaux de produits chimiques et d'hormones de croissance, en mentionnant notamment l'explosion des cas de cancer, un docteur répond : 1) que le cancer n'explose pas, 2) qu'il est plus fréquent parce que les gens vivent plus vieux, 3) qu'il faut se baser sur les faits et non sur des peurs, 4) qu'il n'y a pas de preuve absolue que des additifs alimentaires causent le cancer et 5) que nous savons en revanche que la moitié des cancers sont dus au mode de vie (obésité etc.). Bref, il pinaille entre la réponse 1) et 2), en 4) il répond additifs alimentaires là  où Lumley parle d'hormones de croissance (alors qu'évidemment le problème n'est pas le même, souvenons-nous qu'en Europe la viande aux hormones américaine a été très controversée, y compris par les experts) et il se dédouane un peu trop facilement sur le mode de vie en 5) alors que des indices croissants laissent penser qu'il y a un lien avec des activités comme l'agriculture.

Attitude hautaine (les scientifiques interrogés sont à  tu et à  toi avec les stars citées et prennent un malin plaisir à  les détromper), citations sorties de leur contexte etc., voilà  un travail qui (à  mon avis) ne fait pas vraiment honneur à  la science ! Pas forcément par mauvaise volonté de la part des auteurs mais par la nature même du discours scientifique, qui ne peut s'empêcher d'être moralisant -- et qui est limité par ses propres présupposés : généralisation, réductionnisme etc. Surtout, en agissant ainsi et en se concentrant sur les faits, on rate la dimension cognitive et sociologique de ces discours profanes, et on retombe dans le malheureux travers du modèle de l'instruction publique...

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Partenariats institutions-citoyens : pour quels programmes de recherche ?

Pionnière des nouveaux modèles d'interaction entre la société civile et les chercheurs, la Région Ile-de-France a mis en place depuis 2005 les "Partenariat Institutions-Citoyens pour la Recherche et l'Innovation" (PICRI). Le principe consiste à  subventionner des projets de recherche pluriannuels où un organisme de recherche ou un laboratoire collabore avec une association de citoyens. Parmi les 12 projets retenus pour 2005, on trouve par exemple "Vers une gestion citoyenne de l'eau en Ile-de-France", "Aspects et enjeux éthiques autour de la greffe de moelle osseuse en pédiatrie : la communication de l'information aux familles" ou encore "Evaluation clinique des fauteuils roulants électriques".

Ainsi, le MDRGF est co-partenaire avec le laboratoire Santé publique et environnement de l'université Paris 5 d'un projet de recherche portant sur la "Prévalence de l'exposition pré- et post-natale aux pesticides et effets sur le développement fœtal" : il a soumis ce projet qui vise à  montrer le lien (éventuel) entre exposition des femmes enceinte et des fœtus aux pesticides et développement des bébés...

Or, incidemment, le MDRGF réagissait le 28 juin dernier au plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en remarquant :

Ce plan prévoit en outre de continuer à  faire des études pour améliorer les connaissances, alors qu’il existe déjà  des centaines d’études partout dans le monde sur ce sujet qui montre la dangerosité des pesticides pour les utilisateurs mais aussi pour les non utilisateurs ! Pourquoi encore attendre avant d’agir ?

Je vois là  une certaine contradiction de la part du MDRGF. Il soutient lui-même une études des risques "alors qu’il existe déjà  des centaines d’études partout dans le monde sur ce sujet". J'en fis la remarque le jour-même au MDRGF et son président, François Veillerette, essaya de se justifier mais surtout modifia le texte sur son site pour y ajouter que "faire des études est louable en soit" (c'est la version actuellement en ligne).

Au-delà  du cas particulier, cette anecdote montre qu'une association de citoyens qui s'implique dans les politiques de recherche ne le fera pas toujours dans l'intérêt commun : on peut vouloir en effet accumuler les connaissances sur les risques (et souhaiter des résultats qui font peur pour provoquer un choc dans la société et obtenir gain de cause in fine) mais il me semble plus efficace de chercher des voies alternatives. Ainsi, le MDRGF aurait pu proposer un projet en agronomie avec l'Inra ou le GRAB sur les alternatives aux pesticides, la lutte biologique, le développement des SDN etc. Un même acteur, deux solutions : détruire ou construire. Je regrette que ce soit la première qui ait été favorisée et que la société civile succombe ainsi à  certains travers qu'elle dénonçait chez les autres.

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Laver ses fruits et légumes

Puisque le but de ce blog est aussi d'épingler les erreurs sur la science vus et lus à  gauche et à  droite, voici un cas intéressant, trouvé il y a deux jours :

Saviez-vous que les pesticides ne sont pas solubles dans l'eau ? Ce qui signifie que passer une pomme ou une tomate sous l'eau ne sert pas à  éliminer les agents toxiques. Il faudrait pour cela les frotter à  l'eau savonneuse.... je sais pas vous, mais moi je ne le fais pas...

Cette personne relaie donc une information dont elle a eu vent, qui semble avoir une réelle implication mais sans en tirer les conséquences qui s'imposent... Mais est-ce seulement vrai ? Manifestement non, puisque l'une des caractéristiques des pesticides est leur "cœfficient de partage octanol-eau", noté Log Kow, qui exprime justement la tendance à  être soluble plutôt dans l'eau ou plutôt dans l'huile. Et ce cœfficient varie selon les produits, on ne peut en déduire aucune généralité. Ainsi, l'abamectine est insoluble dans l'eau, le bromoxynil a une solubilité de 130 mg/L et le trichlorfon une solubilité extrêmement grande de 120 g/L ...

Bref, on peut continuer à  suivre les conseils habituels (Le Guide nutrition et santé, éd. Vidal) :

Pour les débarrasser de la poussière et des résidus de pesticides, les fruits et légumes frais doivent être nettoyés à  l'eau. Attention à  ne pas les laisser tremper trop longtemps, car ils perdent une partie de leurs sels minéraux et de leurs vitamines. Les melons, les pommes de terre ou les carottes peuvent être brossés.
L'épluchage permet d'éviter l'ingestion des pesticides et des fibres irritantes pour le tube digestif. Mais il élimine aussi des minéraux, des vitamines et des antioxydants contenus dans la peau des fruits et légumes. Mieux vaut donc faire des épluchures fines, se contenter de brosser ou gratter à  l'aide d'un couteau ou d'une éponge abrasive les légumes primeurs ; pour les courgettes, les aubergines et les concombres, laisser une partie de la peau. Chaque fois que possible, consommer la peau après un lavage soigneux.

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