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Mot-clé : pesticides

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Pesticides et QI

La revue Minnesota Medicine de mars 2006 publie les résultats préliminaires d'une étude destinée à  mettre en évidence le lien entre l'exposition aux pesticides des enfants d'agriculteurs et leurs QI. Ces premiers résultats se passent des données de dosage de pesticides, qui viendront ultérieurement ; seul a été comparé le QI d'enfants vivant à  proximité ou dans des fermes avec ceux d'autres groupes d'enfants vivant à  plus d'un mile de toute exploitation agricole.

Comme le résume justement le MDRGF :

L'etude montre que les enfants vivants dans ou près des fermes ont en moyenne un Q.I inférieur de 5 à  7 points par rapport aux autres enfants. Selon Tom Petros, Professeur de psychologie, cette différence est significative. Les résultats des dosages effectués chez les enfants seront disponibles prochainement et permettront peut-être de mettre en évidence une relation entre l'exposition à  certains pesticides particuliers et un déficit des capacités cognitives.

Pourtant, ce même MDRGF annonce sur son site : "Aujourd'hui, l'étude qui analyse l'effet des pesticides sur le QI des enfants!"

On voudrait écrire une phrase choc qu'on ne s'y prendrait pas mieux. Or elle est fausse puisque, à  ce stade et en l'absence de données de dosage, l'étude n'analyse pas encore l'effet des pesticides sur le QI mais simplement celui de la vie à  la ferme...

Enfin, corrélation n'est pas cause ; si les données de dosage prouvent par la suite que ces enfants sont effectivement exposés aux pesticides, rien ne dit que c'est la raison de leur baisse de QI mais simplement que les deux mesures sont corrélées. En la présence d'autant de facteurs, il sera ensuite plus difficile de montrer le lien de cause à  effet...

[Mise à  jour 06/04] : Le MDRGF a retiré de son site la phrase incriminée, que l'on peut retrouver quelque temps encore sur l'impitoyable cache de Google...

[Mise à  jour 03/05] : Comme prévu, la phrase incriminée a disparu du cache de Google. Il n'est donc plus possible de la retrouver...

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L'affaire du Galecron

Revenons un instant sur la polémique qui a secoué le village suisse de Monthey l'été dernier. Tout a commencé lorsque L'Hebdo du 12 mai, avec le titre fracassant "Les morts suspects de la chimie", rapporta les soupçons de l'urologue Henri Bitschin : celui-ci constatait une "fréquence tout à  fait anormale" des cancers de la vessie parmi sa patientèle, 80% des cas étant des anciens salariés de Ciba-Geigy à  Monthey. Dans cette usine, dans les années 1970 et 1980, était fabriqué le Galecron, insecticide dont la toxicité humaine a été plusieurs fois prouvée.

A la suite de L'Hebdo, d'autres organes de presse ont repris l'information en Suisse, en présentant les choses de manières souvent moins "choc". Ainsi, la Radio suisse-romande notait :

"Je suis convaincu que ce nombre est supérieur à  celui d'autres bassins de population similaires", a confirmé le docteur Bitschin. En revanche ce dernier précise qu'il ne s'agit que d'une conviction personnelle qui ne se base sur aucune statistique. "Je ne peux pas non plus affirmer que tous les cas soient liés à  la Ciba", a-t-il ajouté. (...) De son côté le médecin cantonal valaisan Georges Dupuis se veut plutôt rassurant. Les statistiques fournies par le Registre cantonal des tumeurs ne font pas état d'un nombre plus élevé de cas de cancers de la vessie dans le Bas-Valais.

En France, l'information a eu peu d'échos (rien dans les grands quotidiens nationaux à  ma connaissance) et a circulé uniquement dans les milieux écologiques, agricoles et économiques. Ainsi, le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF) a diffusé sur sa liste de diffusion une copie d'un article de la Télévision suisse-romande (TSR), affirmant notamment :

Un urologue de Bex, dans le canton de Vaud, estime avoir détecté une trentaine de cas suspects en vingt ans. Le géant de l'industrie chimique [Ciba-Geigy devenu Syngenta] doute de ces chiffres.

Bref, tout n'était que soupçons non étayés par des faits. Depuis, justement, l'enquête a avancé et les faits ont été examinés. Les médias suisses ont ainsi rapporté récemment — en entrefilets — que le médecin cantonal Georges Dupuis, en se fondant sur les statistiques du Registre, a trouvé que "les cancers de la vessie ne sont pas plus fréquents en Valais que dans le reste de la Suisse. Dans le canton, il n'y a pas non plus de différences significatives entre les trois régions. Mais nous avons recensé trop peu de cas pour voir un écart entre les districts" (24 Heures du 18 novembre 2005).

Or, de cette contre-expertise qui met à  mal l'accusation du Dr. Bitschin, le MDRGF ne s'est pas fait écho. Ainsi, un militant de cette association reste sur l'idée que des cas de cancer de la vessie ont été causés en Suisse par le Galecron, fabriqué par Ciba-Geigy, aujourd'hui Syngenta. Vous avez dit information partiale ?

Les enquêtes menées en parallèle par Syngenta et le syndicat de travailleurs Unia suivent leurs cours, je vous tiendrai au courant...

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De l'interprétation des statistiques

Pour la première fois, en août 2001, la publication par le MDRGF d'une étude tout à  fait officielle de la direction de la santé de la Commission européenne a ébranlé le public français: on y lisait que la moitié des fruits, légumes et céréales consommés en France contenaient des résidus de pesticides, dont 8% à  des doses supérieures aux limites maximales admises. "Ce chiffre est sans doute supérieur à  l'état réel de contamination moyenne des aliments, car les analyses ont ciblé des produits à  risque, mais il est révélateur d'une tendance", souligne François Veillerette. (source)

Sans revenir ici sur la distinction entre limites maximales de résidus (LMR) et dose journalière admissible (DJA), laissons-nous aller à  quelques considérations statistiques. M. Veillerette, président du MDRGF, affirme que malgré une étude basée sur un échantillon non représentatif, ce résultat de 8% de dépassements de LMR démontre une "tendance". Ce qui semble intuitif (quelle que soit la manière dont on constitue l'échantillon, plus on trouve de dépassements de LMR plus il doit y en avoir dans la population globale) n'est pas vrai statistiquement. Même une tendance doit s'appuyer sur un échantillonnage fiable, ce qui n'est pas le cas ici. Sans échantillon représentatif, on ne peut rien inférer concernant la population initiale. De plus, une "tendance" se mesure dans le temps et non à  un instant "t". Critère qui n'est pas non plus satisfait ici... Attention, donc, à  ne pas faire dire aux statistiques ce que l'on voudrait qu'elles disent...

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Pesticides et raccourcis

Aujourd'hui entre 14 et 15 heures, Jean-Marie Pelt intervenait sur France inter comme chaque semaine, dans l'émission "CO2 mon amour". Faisant une sorte de bilan de 2005, il revenait sur la question des pesticides. Voici un extrait de ses propos, que je souhaiterais commenter :

L'Institut national de la recherche agronomique a dit qu'on ne pourrait plus continuer l'agriculture intensive comme on le fait depuis 50 ans, fondée sur des quantités énormes de produits chimiques ” en particulier des pesticides. [ ] Je pense surtout à  mes amis paysans [ ] à  qui on va dire cela et qui vont répondre cette chose plein de bon sens : "Mais comment se fait-il qu'on nous fait acheter des produits qui sont dangereux ?" Mais quelle merveilleuse question ! Les paysans sont plein de bon sens et de jugement, et ils sont tout à  fait capables de comprendre qu'ils sont en fait instrumentalisés par des multinationales et qu'on pourrait faire autrement avec d'autres types de produits, et avec moins de produits.

Sans vouloir m'attarder sur l'utilisation du vocable "paysan" ou sur la question du bon sens des uns (les "amis") et du "mauvais sens" des autres (de facto les ennemis), je remarque ici quelques raccourcis et généralisations trompeurs dans la seconde moitié de cet extrait. Si je comprends bien, Jean-Marie Pelt y affirme que les agriculteurs sont à  la botte des multinationales qui leur vendent des produits chimiques dangereux en dépit du bon sens alors qu'il existe "d'autres types de produits".

  • D'abord, les agriculteurs n'ont pas attendu les multinationales pour vouloir traiter et protéger leurs cultures, en témoigne l'utilisation de la bouillie bordelaise entreprise par les agriculteurs eux-mêmes dès 1878. Les pesticides ne sont pas des produits unilatéraux que les uns tenteraient d'imposer aux autres ! Conformément à  la loi de l'offre et de la demande, la première n'existe pas sans la seconde.
  • Ensuite, la production des pesticides n'est pas l'apanage des multinationales, en témoigne des entreprises comme Agriphyt ou la Compagnie générale des insecticides ; il faut choisir qui l'on vise au juste, les fabricants de pesticides ou les multinationales en général.
  • Certes, me direz-vous, mais l'offre de pesticides pourrait être faite de ces "autres types de produits", moins dangereux ! Sans autre précision de la part de Jean-Marie Pelt, nous émettrons l'hypothèse que ces autres produits sont les produits phytosanitaires autorisés en agriculture biologique. Or ceux-ci, même s'ils sont généralement d'origine naturelle, n'en sont pas forcément moins dangereux ! Ici, on retrouve la confusion fréquente entre produit naturel, produit de synthèse (qui sont tous les deux des produits "chimiques") et dangerosité.

Enfin, le reste est affaire d'opinion et de conviction personnelles. Mais qu'au moins les termes du débat soient posés avec précision et pédagogie et non par raccourcis et amalgames.

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Deuxième consommateur de pesticides ? Oui mais...

Le 29 décembre dernier, sur France inter, Mathieu Vidard — qui est plus animateur que journaliste — recevait Yann Arthus-Bertrand dans son émission "Café bazar". De nombreux thèmes furent évoqués, de l'écologie à  la photographie en passant par le développement durable. Arthus-Bertrand en parlait avec simplicité, avouant par exemple que sa réflexion sur l'énergie nucléaire l'avait amené à  un cul-de-sac et qu'il n'avait pas (ou plus) d'opinion sur ce sujet.

A un moment, l'animateur évoqua l'agriculture et les pesticides, en faisant remarquer — avec du dégoût dans la voix — que "la France est le deuxième consommateur mondial de pesticides". Point. Arthus-Bertrand a alors eu raison de lui faire remarquer qu'en effet, mais que la France est le premier pays agricole européen et le second exportateur mondial de produits agricoles et agro-alimentaires. Ces deux termes de l'équation s'"équilibrant" finalement...

Le constat du journaliste, bien que vrai, était orienté puisque privé de sa contrepartie. De la même façon que l'on raisonne en terme de balance risque/bénéfice, il me semble dangereux de présenter une information qui fait peur d'une manière que l'on pourrait qualifier d'incomplète.

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