La science, la cité

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Partenariats institutions-citoyens : pour quels programmes de recherche ?

Pionnière des nouveaux modèles d'interaction entre la société civile et les chercheurs, la Région Ile-de-France a mis en place depuis 2005 les "Partenariat Institutions-Citoyens pour la Recherche et l'Innovation" (PICRI). Le principe consiste à  subventionner des projets de recherche pluriannuels où un organisme de recherche ou un laboratoire collabore avec une association de citoyens. Parmi les 12 projets retenus pour 2005, on trouve par exemple "Vers une gestion citoyenne de l'eau en Ile-de-France", "Aspects et enjeux éthiques autour de la greffe de moelle osseuse en pédiatrie : la communication de l'information aux familles" ou encore "Evaluation clinique des fauteuils roulants électriques".

Ainsi, le MDRGF est co-partenaire avec le laboratoire Santé publique et environnement de l'université Paris 5 d'un projet de recherche portant sur la "Prévalence de l'exposition pré- et post-natale aux pesticides et effets sur le développement fœtal" : il a soumis ce projet qui vise à  montrer le lien (éventuel) entre exposition des femmes enceinte et des fœtus aux pesticides et développement des bébés...

Or, incidemment, le MDRGF réagissait le 28 juin dernier au plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en remarquant :

Ce plan prévoit en outre de continuer à  faire des études pour améliorer les connaissances, alors qu’il existe déjà  des centaines d’études partout dans le monde sur ce sujet qui montre la dangerosité des pesticides pour les utilisateurs mais aussi pour les non utilisateurs ! Pourquoi encore attendre avant d’agir ?

Je vois là  une certaine contradiction de la part du MDRGF. Il soutient lui-même une études des risques "alors qu’il existe déjà  des centaines d’études partout dans le monde sur ce sujet". J'en fis la remarque le jour-même au MDRGF et son président, François Veillerette, essaya de se justifier mais surtout modifia le texte sur son site pour y ajouter que "faire des études est louable en soit" (c'est la version actuellement en ligne).

Au-delà  du cas particulier, cette anecdote montre qu'une association de citoyens qui s'implique dans les politiques de recherche ne le fera pas toujours dans l'intérêt commun : on peut vouloir en effet accumuler les connaissances sur les risques (et souhaiter des résultats qui font peur pour provoquer un choc dans la société et obtenir gain de cause in fine) mais il me semble plus efficace de chercher des voies alternatives. Ainsi, le MDRGF aurait pu proposer un projet en agronomie avec l'Inra ou le GRAB sur les alternatives aux pesticides, la lutte biologique, le développement des SDN etc. Un même acteur, deux solutions : détruire ou construire. Je regrette que ce soit la première qui ait été favorisée et que la société civile succombe ainsi à  certains travers qu'elle dénonçait chez les autres.

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Pesticides et QI

La revue Minnesota Medicine de mars 2006 publie les résultats préliminaires d'une étude destinée à  mettre en évidence le lien entre l'exposition aux pesticides des enfants d'agriculteurs et leurs QI. Ces premiers résultats se passent des données de dosage de pesticides, qui viendront ultérieurement ; seul a été comparé le QI d'enfants vivant à  proximité ou dans des fermes avec ceux d'autres groupes d'enfants vivant à  plus d'un mile de toute exploitation agricole.

Comme le résume justement le MDRGF :

L'etude montre que les enfants vivants dans ou près des fermes ont en moyenne un Q.I inférieur de 5 à  7 points par rapport aux autres enfants. Selon Tom Petros, Professeur de psychologie, cette différence est significative. Les résultats des dosages effectués chez les enfants seront disponibles prochainement et permettront peut-être de mettre en évidence une relation entre l'exposition à  certains pesticides particuliers et un déficit des capacités cognitives.

Pourtant, ce même MDRGF annonce sur son site : "Aujourd'hui, l'étude qui analyse l'effet des pesticides sur le QI des enfants!"

On voudrait écrire une phrase choc qu'on ne s'y prendrait pas mieux. Or elle est fausse puisque, à  ce stade et en l'absence de données de dosage, l'étude n'analyse pas encore l'effet des pesticides sur le QI mais simplement celui de la vie à  la ferme...

Enfin, corrélation n'est pas cause ; si les données de dosage prouvent par la suite que ces enfants sont effectivement exposés aux pesticides, rien ne dit que c'est la raison de leur baisse de QI mais simplement que les deux mesures sont corrélées. En la présence d'autant de facteurs, il sera ensuite plus difficile de montrer le lien de cause à  effet...

[Mise à  jour 06/04] : Le MDRGF a retiré de son site la phrase incriminée, que l'on peut retrouver quelque temps encore sur l'impitoyable cache de Google...

[Mise à  jour 03/05] : Comme prévu, la phrase incriminée a disparu du cache de Google. Il n'est donc plus possible de la retrouver...

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L'affaire du Galecron

Revenons un instant sur la polémique qui a secoué le village suisse de Monthey l'été dernier. Tout a commencé lorsque L'Hebdo du 12 mai, avec le titre fracassant "Les morts suspects de la chimie", rapporta les soupçons de l'urologue Henri Bitschin : celui-ci constatait une "fréquence tout à  fait anormale" des cancers de la vessie parmi sa patientèle, 80% des cas étant des anciens salariés de Ciba-Geigy à  Monthey. Dans cette usine, dans les années 1970 et 1980, était fabriqué le Galecron, insecticide dont la toxicité humaine a été plusieurs fois prouvée.

A la suite de L'Hebdo, d'autres organes de presse ont repris l'information en Suisse, en présentant les choses de manières souvent moins "choc". Ainsi, la Radio suisse-romande notait :

"Je suis convaincu que ce nombre est supérieur à  celui d'autres bassins de population similaires", a confirmé le docteur Bitschin. En revanche ce dernier précise qu'il ne s'agit que d'une conviction personnelle qui ne se base sur aucune statistique. "Je ne peux pas non plus affirmer que tous les cas soient liés à  la Ciba", a-t-il ajouté. (...) De son côté le médecin cantonal valaisan Georges Dupuis se veut plutôt rassurant. Les statistiques fournies par le Registre cantonal des tumeurs ne font pas état d'un nombre plus élevé de cas de cancers de la vessie dans le Bas-Valais.

En France, l'information a eu peu d'échos (rien dans les grands quotidiens nationaux à  ma connaissance) et a circulé uniquement dans les milieux écologiques, agricoles et économiques. Ainsi, le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF) a diffusé sur sa liste de diffusion une copie d'un article de la Télévision suisse-romande (TSR), affirmant notamment :

Un urologue de Bex, dans le canton de Vaud, estime avoir détecté une trentaine de cas suspects en vingt ans. Le géant de l'industrie chimique [Ciba-Geigy devenu Syngenta] doute de ces chiffres.

Bref, tout n'était que soupçons non étayés par des faits. Depuis, justement, l'enquête a avancé et les faits ont été examinés. Les médias suisses ont ainsi rapporté récemment — en entrefilets — que le médecin cantonal Georges Dupuis, en se fondant sur les statistiques du Registre, a trouvé que "les cancers de la vessie ne sont pas plus fréquents en Valais que dans le reste de la Suisse. Dans le canton, il n'y a pas non plus de différences significatives entre les trois régions. Mais nous avons recensé trop peu de cas pour voir un écart entre les districts" (24 Heures du 18 novembre 2005).

Or, de cette contre-expertise qui met à  mal l'accusation du Dr. Bitschin, le MDRGF ne s'est pas fait écho. Ainsi, un militant de cette association reste sur l'idée que des cas de cancer de la vessie ont été causés en Suisse par le Galecron, fabriqué par Ciba-Geigy, aujourd'hui Syngenta. Vous avez dit information partiale ?

Les enquêtes menées en parallèle par Syngenta et le syndicat de travailleurs Unia suivent leurs cours, je vous tiendrai au courant...

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De l'interprétation des statistiques

Pour la première fois, en août 2001, la publication par le MDRGF d'une étude tout à  fait officielle de la direction de la santé de la Commission européenne a ébranlé le public français: on y lisait que la moitié des fruits, légumes et céréales consommés en France contenaient des résidus de pesticides, dont 8% à  des doses supérieures aux limites maximales admises. "Ce chiffre est sans doute supérieur à  l'état réel de contamination moyenne des aliments, car les analyses ont ciblé des produits à  risque, mais il est révélateur d'une tendance", souligne François Veillerette. (source)

Sans revenir ici sur la distinction entre limites maximales de résidus (LMR) et dose journalière admissible (DJA), laissons-nous aller à  quelques considérations statistiques. M. Veillerette, président du MDRGF, affirme que malgré une étude basée sur un échantillon non représentatif, ce résultat de 8% de dépassements de LMR démontre une "tendance". Ce qui semble intuitif (quelle que soit la manière dont on constitue l'échantillon, plus on trouve de dépassements de LMR plus il doit y en avoir dans la population globale) n'est pas vrai statistiquement. Même une tendance doit s'appuyer sur un échantillonnage fiable, ce qui n'est pas le cas ici. Sans échantillon représentatif, on ne peut rien inférer concernant la population initiale. De plus, une "tendance" se mesure dans le temps et non à  un instant "t". Critère qui n'est pas non plus satisfait ici... Attention, donc, à  ne pas faire dire aux statistiques ce que l'on voudrait qu'elles disent...

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Relaxe des 49 faucheurs volontaires

Les 49 "faucheurs volontaires" poursuivis pour le fauchage de parcelles de maïs génétiquement modifié appartenant à  la société Monsanto dans le Loiret en 2004 et 2005 ont été relaxés vendredi 9 décembre par le tribunal correctionnel d'Orléans qui a reconnu le bien fondé de "l'état de nécessité" de leur action. Selon le tribunal, les prévenus ont "apporté la preuve qu'ils [avaient] commis une infraction de dégradation volontaire de bien d'autrui en réunion, pour répondre de l'état de nécessité qui résulte du danger de diffusion incontrôlée de gènes provenant des organismes génétiquement modifiés, dont la dissémination avait été autorisée par la loi française, contrairement au droit constitutionnel européen". Or, comme l'explique bien maître Eolas, "ce jugement a de très fortes chances d'être infirmé en appel car le raisonnement juridique sur lequel il se fonde [ledit "état de nécessité"] est très critiquable".

En rapportant la nouvelle de cette relaxe, le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF) annonce : "La contamination génétique reconnue par les tribunaux". Pas besoin de long discours pour vous démontrer comment ce titre choc est éloigné et mensonger par rapport à  la réalité puisque, comme je l'ai souligné dans l'extrait du jugement, les tribunaux ne reconnaissent qu'un "danger de diffusion incontrôlée de gènes provenant des organismes génétiquement modifiés" et nullement une diffusion per se et de facto.

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