Je l'avais promise, la voici : la critique des Chroniques d'un amateur de sciences de Bruno Latour (Presses des Mines de Paris, 2006). Ce livre est un recueil de nombreuses chroniques écrites entre 1997 et 2001 pour le magazine La Recherche. Les sujets sont variés et Latour commente tour à  tour des livres nouvellement parus, des débats d'actualité, des faits divers d'où il tire de profondes réflexions (comme l'affaire de l'homme de Kennewick ou celle de la cause de la mort de Ramsès II) et des points conceptuels sur la sociologie des sciences.

C'est ainsi que l'on apprend comment on peut "rater une découverte", comment l'article fondamental d'Alan Turing n'a rien perdu de son caractère iconoclaste, comment la Suisse se livra à  une expérience grandeur nature de démocratie scientifique lors de la "votation" sur le moratoire sur les OGM, comment la "réaction brune" vient contrer les mouvements "verts" ou comment des académiciens qui discutent de l'action des vers de terre livrent en fait une vraie bataille de "politique des sols". Latour convoque un sacré Barnum pour nous parler des sciences, de ceux qui la font et des sujets récalcitrants qu'ils étudient : spécialistes du prion, éleveurs de la Creuse, amérindiens du Canada, fonctionnaires chargés de l'Europe, cadre institutionnel et juridique de la Navy, pénicilline qui peut-être aussi bien un "désherbant" bactérien qu'un agent thérapeutique. Et Latour, tout à  son aise, cite aussi bien les Annales des ponts et chaussées que les Archives de philosophie du droit, Ecologie politique ou… Paris match !

Bref c'est un peu comme si Latour tenait un blog. Alors forcément, on est frustré qu'il n'en tienne pas réellement un et que tout s'arrête ainsi, à  la fin 2001… Mais il reste ce livre, excellente introduction aux concepts et style de Latour pour le grand public. Moins cher encore, plus destiné aux chercheurs et scientifiques, le petit volume paru chez Inra éditions (Le métier de chercheur : regard d'un anthropologue, 2001) est également recommandable.