Depuis le début des années 1980, les Etats-Unis s'intéressent aux FFP (falsification, fabrication and plagiarism) et aux QRP (questionable research practices), d'où l'abondance de données sur le sujet de l'autre côté de l'Atlantique. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche français, lui, vient seulement de demander en début d'année à  Jean-Pierre Alix, cadre du CNRS, d'établir un diagnostic sur l'intégrité scientifique, et de proposer des remèdes.

Pourtant, nous n'étions pas épargnés. Nos chercheurs ne sont pas meilleurs que les autres mais longtemps, nous n'avons pas voulu voir ce mal qui ronge la recherche, et l'avons réduit à  une déviance accidentelle. Voici ce qu'on lisait dans un éditorial de Science et vie en septembre 1998, suite à  l'affaire Bihain :

Nos voisins britanniques et allemands (…) ont de l'avance sur nous. L'Allemagne vient de modifier sa législation : le trop fameux publish or perish ("publier ou périr"), qui guide l'activité scientifique, cède la place à  "Besser un Weniger" (publier "mieux et moins"). Le prestigieux institut Max-Planck de Berlin a établi une charte qui protège les "dénonciateurs" de fraude. En revanche, il n'existe en France aucune déontologie scientifique. Nulle protection n'est offerte aux dénonciateurs, qui honorent la science en proclamant la vérité au risque de briser leur carrière. Il est temps de s'attaquer sérieusement au mal. Hélas, quand on lit le communiqué de l'INSERM, qui indique que, "à  sa connaissance, aucune mauvaise conduite scientifique de l'unité 391 n'a pu être démontrée", on n'a pas l'impression d'en prendre le chemin…

 Dix ans déjà  et rien n'a changé...

Et c'était il y a déjà  dix ans ! Ce mois-ci, Science et vie s'attaque de nouveau à  la question avec un dossier spécial, ce qui prouve que la question revient en haut de l'ordre du jour. On y retrouve évidemment Jean-Pierre Alix, qui promettait dans Le Monde d'organiser un colloque à  la fin de l’année 2008, afin de sensibiliser et d’impliquer les institutions scientifiques plutôt que de pondre un rapport voué à  finir dans un tiroir. J'ai longtemps guetté ce colloque et je vois que Jean-Pierre Alix est derrière celui qui arrive les 24 et 25 novembre prochain. Un colloque intitulé "Sciences en société : Dialogues et responsabilité scientifique". Or non seulement le colloque est sur invitation uniquement ([Mà J 13/11] à  noter toutefois la possibilité de regarder la retransmission des échanges en direct) mais à  lire le programme, il semble que la question de la fraude se retrouvera noyée dans des discussions sur les jeunes et la science, les musées de science, la société de la connaissance etc. Je note seulement une session d'une heure et demi sur "Intégrité et communication scientifique" et une autre de la même durée portant sur la responsabilité scientifique... Ce sera sans moi, puisque j'assiste à  la soutenance de thèse de ma meilleure moitié. Mais j'encourage des participants qui passeraient par ici à  laisser quelques mots en commentaire pour nous faire part de leur expérience !

En fait, comme annoncé quasi-confidentiellement au colloque "Recherche, éthique et déontologie" d'avril dernier (vidéo - diapositives), un second colloque est prévu en 2009. Il s'agira dans une première journée de rassembler des éléments de diagnostic sur l'expérience internationale et un rapport d'enquête français puis, dans une seconde journée, de discuter des décisions possibles pour se fixer sur des recommandations à  la Ministre. A suivre !