Il y a 15 jours, j'aidais Elifsu à  corriger des copies pour le cours d'humanités scientifiques de SciencesPo Paris (élèves de 1e année). Lequel cours est donné par Bruno Latour. Un exercice très intéressant, qui permet de réaliser (avec horreur !) que l'on connaît par cœur son corpus latourien et que son vocabulaire nous habite définitivement. Ces élèves, dans une logique toute SciencePo, ont choisi en majorité le sujet de dissertation suivant : S'il est vrai que la politique s'occupe des hommes et des choses, quelle différence y a-t-il entre un bon et un mauvais gouvernement ?, au détriment du sujet : Pourquoi dit-on des sciences qu'elles doivent être autonomes et des techniques qu'elles sont neutres ?. Admirez la construction syntaxique du second ! Les copies étaient bonnes dans l'ensemble, le cours ayant bien été intégré et les élèves ressortant la vision latourienne de la science dans la société (sans qu'ils ne la partagent forcément, me dis-je). Quelques copies semblaient toutes droit sorties du corpus latourien (avec des notes allant jusqu'à  19,5/20) tandis que d'autres élèves étaient passés complètement à  côté. Preuve en est ce bêtisier, qui reflète un peu le niveau zéro de la pensée et de la problématisation (je suis méchant, je sais, mais tout correcteur ne l'est-il pas ?) :

  • Les sciences montrent les faits tels qu'ils sont sans suivre une théorie particulière ou un ordre logique.
  • Empêcher la science d'être autonome c'est empêcher l'humanité de progresser.
  • S'il n'y a pas d'exigence de neutralité envers la technique, alors qu'il y en a une d'autonomie envers la science, c'est parce qu'elle est neutre par nature.
  • La prise de conscience des hommes de [la situation délétère de l'environnement] a été précédée par celle des scientifiques.
  • La théorie de l'évolution (...) essaye de déterminer les adaptations à  prévoir pour survivre.
  • Les faits sont objectifs, chacun peut voir les mêmes problèmes : le réchauffement climatique, etc. Les chiffres sont la preuve de l'objectivité des faits (SIDA, cancer, etc)...
  • La politique s'occupe des hommes et des choses et le fait très bien puisque c'est sa nature-même.

Chaque élève devait également tenir un carnet de bord pour relever les dispositifs socio-techniques, les amours particulières sciences/politique et les controverses scientifiques qui lui passaient sous les yeux. Un exercice original, et extrêmement intéressant à  corriger (car sous forme très libre et apportant des informations au correcteur !).

Dans la foulée, j'étais invité par François à  présenter mon travail de Master à  la Science Studies Unit d'Edimbourg. Celle qui fut longtemps le repère de David Bloor, et reste un haut-lieu de la sociologie des sciences (ou plutôt de la sociologie de la connaissance scientifique = SSK), regarde avec un mélange de respect et de désaccord la sociologie de Bruno Latour. Par conséquent, j'ai été soumis à  la question, même si les participants du séminaire m'ont largement épargné (en raison peut-être de mon désavantage en Anglais ?) et ont su soulever des points importants de mon travail (notamment l'emploi de la notion de paradigme, largement galvaudée et sans doute un cache-misère intellectuel).

Enfin, cette semaine, j'ai pu remplacer Elifsu pour assister Jean-Yves Le Déaut dans son séminaire à  SciencesPo Paris sur les grands enjeux scientifiques du début du XXIe siècle. L'occasion d'échanger quelques mots avec Marion Guillou (PDG de l'Inra) et avec des élèves du cursus "S-Cube" (sciences et sciences sociales). Lesquels m'ont confirmé l'étrange cérémonie de remise des diplômes que rapportent Joà«lle Le Marec et Igor Babou dans leur réaction à  la tribune politique de Bruno Latour.

Quand je vous disais que ce dernier temps, je n'ai fait que côtoyer quelques étoiles