Dans Second Life, les objets se comportent largement comme dans notre monde, sans quoi la simulation ne serait pas vraisemblable ” et c'est l'univers virtuel le plus sérieux de ce point de vue. Mais Matthieu nous a déjà  appris que pour être crédible, la simulation devait parfois être "fausse". Renato P. dos Santos, blogueur et enseignant à  l'Université Luthérienne du Brésil, s'est penché de plus près sur les lois physiques de Second Life et explique dans un article du Journal of Virtual Worlds Research qu'elles ne suivent ni les lois idéales de Galilée ou Newton ni la physique de notre monde.

Ainsi, le temps peut être parfois dilaté (pour pallier à  la surcharge des serveurs chargés de calculer la simulation) ou simulé de façon aléatoire pour les petites quantités (de l'ordre de la milliseconde). La masse dépend de la taille et la forme d'un objet et non de la matière qui le constitue. La gravitation est prise en charge mais peut-être supprimée de localement par quelques lignes de code. L'accélération d'un objet posé au sol et immobile peut prendre une valeur non nulle, de façon erratique. L'énergie cinétique, elle, n'est pas proportionnelle au produit de la masse et du carré de la vitesse mais plutôt au produit de la masse et de la vitesse (quantité de mouvement). Cela permet aux petits objets (faible masse) d'atteindre une plus grande vitesse mais produit, par exemple, des dégâts plus faibles en cas de collision entre objets. Cette énergie n'est pas liée au système mais contenue dans un "réservoir" interne à  l'objet. Aucune friction (aérodynamique ou hydrodynamique) n'est implémentée, à  l'exception de la résistance de l'air lors de la chute d'objets. La lumière est une propriété uniforme du système et elle ne se propage pas.

Le résultat : un monde hyper-réel, d'après le néologisme d'Umberto Eco, c'est-à -dire qui ressemble plus à  la réalité que la réalité elle-même.

Mais là  où cette observation devient intéressante, c'est dans les opportunités qu'elle offre. Comme dans un "monde laboratoire", les élèves accompagnés d'un enseignant peuvent changer les lois de la physique en touchant au moteur de simulation de Second Life, Havok (le même qui a servi dans des films comme Harry Potter et l'Ordre du phénix ou Troy), avec le langage de script Linden. Il est par exemple tout à  fait possible de fixer la gravitation selon un axe qui ne serait pas vertical. Or les lois de la physique sont une difficulté pour la pédagogie, pusqu'elles se détournent souvent de l'intuition. Un tel apport serait donc considérable. Et Renato de conclure en y voyant une reproduction de l'histoire des conceptions scientifiques mais aussi du parcours psychogénétique dont parlait Jean Piaget, des lois intuitives d'Aristote à  la physique quantique contre-intuitive en passant par les lois idéales de Galillée ou Newton.

P.S. Ce numéro du Journal of Virtual Worlds Research possède d'autres applications éducatives des mondes virtuels et de Second Life en particulier, cela vaut le coup d'oeil !