La science, la cité

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Premier forum des blogueurs scientifiques : un compte-rendu

Vous l'attendez tous, voici mon compte-rendu du premier forum des blogueurs scientifiques qui avait lieu mardi à  l'initiative du Forum Labo & Biotech à  Paris. Une petite salle dans le Hall 3 du Parc des expositions, à  l'écart des stands costumes-cravatés qui exposaient force matériel de pointe pour les laboratoires, accueillant pendant presque 3h30 une vingtaine de participants : de quoi parler tranquillement en long, en large et en travers de notre sujet préféré.

 Des machines de fou...

Parmi les participants, des journalistes (scientifiques), des novices, des chercheurs déjà  alertes en matière de vulgarisation (comme Jean-Marc Galan de l'émission de radio "Recherche en cours"), l'auteur d'un site de mise en démocratie de la science et bien-sûr des blogueurs, avec quelques C@fetiers : Benjamin, David et votre serviteur. Le tout animé par Pascal Lapointe, venu spécialement de Montréal, que je rencontrais pour la deuxième fois.

Tout le crédit du succès de la manifestation doit lui être rendu : il a assuré une présentation magistrale, à  la fois accessible aux novices et captivante pour les plus aguerris. Le micro se baladait facilement d'un spectateur à  l'autre, recueillant leurs interrogations ou réserves pendant que des blogueurs pouvaient contribuer par leur témoignage personnel.

Pascal Lapointe a expliqué de nombreuses choses sur les blogs de science, en commençant par un jeu : face à  deux extraits de texte, il s'agissait de deviner lequel est extrait d'un blog et lequel est extrait d'une revue à  comité de lecture. Pas toujours facile ! D'où cette conclusion qu'on ne peut pas résumer la production blogosphérique à  des billets rapides et superficiels, ce qui reviendrait à  qualifier les 50 000 romans en français qui paraissent chaque année de romans à  l'eau de rose… Concernant les blogs, ils peuvent à  la fois être rapprochés d'initiatives visant à  jeter des ponts entre les chercheurs et la société, pour sortir de leur image de professeur Tournesol (bars des sciences, nuit des chercheurs etc.) et du mouvement de publication ouverte interne à  la communauté scientifique.

L'intérêt du blog, c'est avant tout sa simplicité d'utilisation : on peut publier en un clic et la prise de parole en est largement facilitée. Dès lors, les formes peuvent se multiplier, des blogs personnels aux blogs collectifs (Cosmic variance, RealClimate, Science ! On blogue) et aux communautés de blogs comme le C@fé des sciences. Et Pascal Lapointe de donner trois critères pour identifier un blog : il reflète les opinions de son auteur, il cultive les hyperliens et il encourage la participation de ses lecteurs (à  travers les commentaires en particulier).

Alors, finalement, pourquoi blogue-t-on ? Plusieurs réponses :

  • pour vulgariser
  • parce que les sujets qui nous intéressent sont absents des médias
  • pour parler entre soi
  • pour parler de la vie scientifique, avec deux exemples donnés par Pascal Lapointe : un billet de Tom Roud et un autre de Timothée
  • pour s'engager politiquement
  • pour se faire plaisir.

Et Jean-Marc Galan de souligner que le blog ne répond pas qu'à  la question du "quoi ?" traitée habituellement par la vulgarisation mais également aux question du "qui ?" et du "comment ?".

On aborde ensuite la question des obstacles au blog : pourquoi tous les chercheurs ne bloguent-ils pas ? La question est vaste mais on peut rencontrer plusieurs grandes raisons :

  • "je manque de temps"
  • "ça pourrait me nuire"
  • "je ne sais pas comment faire"
  • "j'ai peur de me faire voler mes idées".

Tous ces obstacles peuvent être surmontés d'une manière et d'une autres et parfois, ils partent simplement de légères incompréhensions. Ainsi, on peut imaginer qu'à  terme le blog n'existe plus en tant que tel puisqu'il aura été incorporé et banalisé dans les pratiques des chercheurs. Une fois, sans doute, qu'auront été résolus ou dépassés les problèmes qui concernent la place du blog dans la production de connaissances (est-ce un substitut à  la publication dans des revues ou un complément ?) et dans l'évaluation du chercheur, comme le fait remarquer Pierre Mounier.

Avec une présentation instructive et des discussions ouvertes, ce forum pourrait bien être pérennisé si les retombées sont suffisamment positives. On espère évidemment qu'il le sera !

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Rendez-vous dans une semaine ?

Dans une semaine tout rond aura lieu à  Paris le premier forum des blogueurs scientifiques. Je serai présent avec quelques C@fetiers des sciences et on compte sur votre participation enthousiaste. Bien que le public visé soit plutôt un public profane voire débutant en matière de blog, nous serons heureux de faire la rencontre de quelques lecteurs à  cette occasion.

Et puis comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule ;-) , je serai également présent le jeudi au Salon européen de la recherche et de l'innovation organisé sous le haut patronage de Monsieur Nicolas Sarkozy, rien de moins. En regrettant juste que des conférences aussi alléchantes que "Internet et publications scientifiques", "La diffusion de la culture scientifique en Europe", "Innover et chercher dans l'enseignement des sciences" ou "La recherche… à  consommer sans modération", annoncées dans l'avant-programme, ne soient plus à  l'ordre du jour…

A part ça, je compte participer à  quelques séminaires parisiens de sociologie des sciences. Un séminaire consiste en une séance ou deux de "présentation(s)" suivie de "questions". Il permet à  un intervenant, jouant plus souvent à  l'extérieur qu'à  domicile, de présenter ses travaux mais aussi ses dernières pistes de recherche ou de réflexion. Les séminaires sont généralement ouverts à  tous et il n'est pas rare d'y voir des historiens échanger avec des sociologues ou des juristes (pour le domaine que je connais en tous cas). Pourquoi cette pratique très courante dans les SHS est-elle si rare dans les sciences dures me demandait l'autre jour Benjamin ? Deux éléments de réponse :

  • en SHS, le travail de recherche possède une part moins grande de matérialité (spécimens, machines ou archives) et la pensée naît donc de l'écriture et l'oralité : c'est en écrivant que les idées se forment et c'est en les défendant face à  d'autres que l'on teste leur solidité ;
  • en SHS, les disciplines peuvent échanger facilement puisque leur langage est (à  peu près) commun et qu'un historien peut toujours objecter quelque chose à  un sociologue (ou réciproquement, si si) et un sociologue des religions enrichir la réflexion d'un spécialiste des politiques de santé. Il devient donc plus fructueux, mais aussi rentable, d'échanger des points de vue avec un public qui dépasse ses deux ou trois pairs habituels.

Mais ces explications sont affreusement internalistes et je ne doute pas que vous aurez d'autres arguments à  soumettre en commentaire !

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La méthode scientifique en paroles et en actes

Il est intéressant de flâner sur les forums pour comprendre comment les scientifiques débattent avec des non-scientifiques : sans généraliser à  outrance, nous pouvons constater qu'ils réclament des preuves de l'habilitation de la personne à  parler de ce dont elle parle ("Puis-je savoir dans quel domaine de recherche travaillez-vous et a quel poste svp?"), des références bibliographiques venant appuyer toute affirmation ("Pourriez-vous indiquer quelques références sur les liens entre Révolution et technique?"), ils fuient comme la peste les généralisations abusives ("Soyez précis. Donnez des exemples.") et réclament à  corps et à  cris des démonstrations scientifiques ("Pour faire avancer le schmilblick, encore faut il ne pas faire passer des spéculations pour des quasi-vérités"). Il est difficile de leur en vouloir : c'est qu'on n'échappe pas facilement à  sa condition (et son statut) de scientifique !

Par contre, il est triste de constater que ces paroles et bonne intentions pour poser un débat sain et constructif ne sont pas toujours suivies d'actes... Ainsi, un modérateur pointilleux fait remarquer :

Il y a déja eu plusieurs avertissements sur la tenue de ce "débat". Jusqu'à  present la preuve est faite qu'il est impossible de discuter des OGM sans entrer dans des débats d'opinions qui n'ont rien de scientifiques. A vous de prouver le contraire.

Le voici réclamant donc un débat scientifique... en faisant de la prose pseudo-scientifique ! En effet, il dit avoir la preuve que, jusqu'à  présent, il est impossible de discuter des OGM sans entrer dans des débats d'opinions. Or ce n'est pas une preuve qu'il a, mais une conjecture fondée sur des (nombreuses ?) observations, qui n'attend qu'à  être mise à  l'épreuve par une expérimentation digne de ce nom. Ou par un simple contre-exemple, comme il nous invite à  en apporter !! Une vraie preuve, elle, serait un élément déterminant de la réflexion qui ne souffrirait pas un contre-exemple.

Pour l'exprimer autrement, on peut faire le parallèle avec l'histoire des cygnes : ce n'est pas parce que je n'ai jamais rencontré de cygnes noirs que j'ai la preuve qu'ils n'existent pas. Je peux juste faire la conjecture -- qui semble valide jusqu'à  présent -- que tous les cygnes sont blancs, en attendant de la valider ou de l'invalider d'une manière ou d'une autre !

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