La science, la cité

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Mot-clé : nanotechnologies

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Enjeux éthiques des nanotechnologies

En ces périodes d'intérêt pour les nanotechnologies (et rêvons un peu : peut-être sous l'influence de la conférence de citoyens en cours ?), le Comité d'éthique du CNRS a rendu le 12 octobre son avis sur les Enjeux éthiques des nanosciences et nanotechnologies.

Rapidement, nous pouvons retenir les points suivants :

  • la nécessité d'une vigilance autour des nanos, "véritable technologie générique qui va affecter l’ensemble des secteurs de production" ;
  • la prise en compte (et pas marginalisation ou rejet) de l'"aura de fiction" dont elles s'accompagnent — qui rappelle précisément la question abordée à  un des débats Vivagora : "Nanomonde entre science et fiction" — et remplit plusieurs fonctions, notamment épistémologique, heuristique, d'intéressement, régulatrice et sociale (pp. 11-12) ;
  • la particularité de trois nouveaux contextes où s'inscrivent les nanotechnologies : le contexte scientifique (convergence Nano-Bio-Info-Cognitif), le contexte politique (globalisation et compétition), le contexte social (un public exigeant) — et ce n'est pas parce "qu’aucune nouvelle technologie n’est radicalement nouvelle (…) qu’elle ne pose pas des problèmes nouveaux, dans le contexte précis où elle émerge".

Les recommandations préconisent :

  • la nécessaire concertation des parties intéressées et notamment des représentants de la société civile pour cerner les attentes du corps social dans son ensemble — pour "réguler le cours des recherches en fonction de la désirabilité des innovations techniques et pas seulement de leur acceptabilité" (p. 16) ;
  • d'inclure la préoccupation envers l'éthique à  tous les niveaux de la "carrière des chercheurs – formation initiale, évaluation, formulation des projets de recherche" ;
  • d'"ouvrir des espaces éthiques dans les centres de recherches, qui soient des lieux de débat" (interne) ;
  • de "mettre en place des procédures pour le repérage et l’arbitrage des conflits d’intérêts dans les relations avec l’industrie et assurer la transparence des sources de financement et, si possible, des résultats (accès libre ?) dans les projets conjoints conduits entre le CNRS et l’industrie ;
  • concernant les relations avec le public, de présenter les bienfaits attendus des nanosciences et nanotechnologies sans occulter les méfaits possibles, mettre davantage l’accent sur les conséquences de ces recherches pour l’homme, sur les enjeux liés au choix des nanosciences comme priorités scientifiques (en ne se limitant pas aux enjeux économiques et industriels) et, enfin, oser prendre en considération les enjeux à  très long terme, en aidant à  identifier les fantasmes qu’ils peuvent suciter ;
  • de "mettre en place des instances de dialogue et/ou participer aux débats citoyens organisés à  l’échelle locale, nationale, européenne et internationale".

Bon, la posture est souvent plus axée sur la communication que sur le débat mais, avec le dernier point notamment, il s'agit d'un pas dans le bon sens (enfin, des chercheurs du CNRS participent déjà  aux débats et à  la conférence de citoyens en cours, mais disons que cette motivation supplémentaire ne peut pas faire de mal). Difficile de savoir ce que cet avis va apporter au débat en cours, notamment sur le site de Minatec à  Grenoble — où le CEA est l'acteur majoritaire mais quelques unités de recherche sont mixtes avec le CNRS... Parmi les considérant de cet avis, on trouve ce beau plaidoyer :

les acteurs de la recherche et les organismes qui la structurent se doivent de prendre les mesures nécessaires pour favoriser une bonne gouvernance. Or, celle-ci est fondée sur le principe que la responsabilité est le corollaire obligé de la liberté revendiquée par les chercheurs pour explorer le champ de tous les possibles. Plusieurs des pays qui ont investi dans les nanotechnologies ont mis en place des structures, voire des financements importants, pour analyser les impacts environnementaux, sociaux, juridiques des nanosciences et nanotechnologies. La problématique ELSA (pour Ethical, legal and societal aspects) accompagne la recherche en amont – aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, et au Danemark par exemple –, et les tentatives se multiplient pour intéresser, voire engager, le public dans la discussion de la politique scientifique concernant les nanosciences et nanotechnologies, en Grande-Bretagne notamment. Cette démarche pro-active et non plus réactive, comme ce fut le cas pour le développement de programmes sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), qui servent souvent de modèle à  éviter, peut inaugurer une nouvelle gestion de la recherche scientifique et de ses rapports avec la société. (c'est moi qui souligne)

Je trouve aussi étonnant que le Comité d'éthique ait eu à  s'auto-saisir sur un sujet pareil, vu la contestation qui gronde et l'intérêt du grand public qui grandit ! C'est à  se demander si les instances du CNRS n'étaient pas hésitantes et si, parfois, le Comité d'éthique n'est pas juste une vitrine et un faire-valoir…

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Conférence de citoyens sur les nanotechnologies

Samedi et dimanche derniers a eu lieu le premier week-end de formation des 16 citoyens profanes choisis représentativement (par l'Ifop) pour s'exprimer sur les nanotechnologies.

Cette conférence de citoyens organisée par la Région Ile-de-France a pour but de :

  • placer les nanotechnologies, leurs enjeux, leurs risques potentiels, au centre des réflexions publiques
  • alimenter la réflexion des élus à  partir de suggestions argumentées
  • inscrire le soutien régional à  la recherche dans une démarche participative et responsable
  • démontrer la capacité de simples citoyens à  se former sur des questions scientifiques complexes.

Les profanes auront donc à  s'exprimer sur la question du rapport risque/bénéfices dans les nanotechnologies et ce qu'ils voudraient voir advenir de la recherche sur ce sujet en France. Sont prévus trois week-end de formation par des experts[1], déterminés par le Comité de pilotage et choisis par le panel, suivis d'une conférence ouverte au public (les 20 et 21 janvier 2007) et d'une après-midi consacrée à  la réflexion et à  l'écriture de l'avis.

Rendez-vous est pris le 22 janvier 2007 pour la diffusion du compte-rendu et de l'avis final du panel. Enfin, un de mes futurs billets (que je promets depuis longtemps) sera consacré plus en détail aux conférences de citoyens...

Notes

[1] Côté science studies, on trouve parmi les formateurs le sociologue et historien des sciences Dominique Pestre et dans le Comité de pilotage, l'historienne et philosophe des sciences Bernadette Bensaude-Vincent.

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Nanomonde : entre science et fiction. Quels acteurs, discours et enjeux ?

Je retiens plusieurs choses du débat public organisé par Vivagora jeudi dernier. Sur la forme :

  • il n'est jamais facile de modérer/animer un tel débat, et de trouver le bon équilibre entre didactisme et échange d'idées, tout en évitant le dialogue de sourds ;
  • il y a le problème des participants qui contestent le sujet et/ou les termes même du débat ;
  • il est difficile de se tenir au sujet du débat, celui-ci ayant en l'occurence débouché sur "Nanotechnologies, quels choix technologiques pour quelle société ?" alors qu'il s'agissait du thème général des six séances de débat.

Sur le fond, j'ai été horrifié par la prétention des scientifiques et chercheurs invités ("Je maîtrise le sujet"), alors que la science est une école de l'humilité et de la patience. Etonné aussi, par le décalage entre leur discours naïf ("La science ne promet rien, voici ce que nous faisons concrètement dans nos laboratoires") et leur comportement (les promesses étant le fond de commerce qui garantit les bourses de recherche, l'intérêt des politiques etc.).

Après avoir assisté à  un tel débat et avoir vu la démocratie scientifique en action, il est frappant de tomber par hasard sur ce communiqué de Cordis :

L'on ne dispose pas, pour le moment, de preuves suffisantes pour dire si les nouvelles applications des nanotechnologies dans le secteur agroalimentaire seront bien acceptées par les consommateurs. Toutefois, l'expérience tirée des aliments génétiquement modifiés laisse penser que convaincre les consommateurs des mérites de techniques alimentaires qu'ils ne comprennent pas pleinement pourrait représenter un défi considérable. (C'est moi qui souligne)

N'est-il pas rétrograde et naïf que de croire encore à  une science qui ne viendrait que d'en haut, distribuée par des chercheurs tout-puissants à  un public ignorant qu'il faudrait absolument éduquer ?

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