Comment montrer la "science en train de se faire" ?
31
mai
2008
Ce qui suit est le résultat d’une réflexion en cours, que j’aimerais conduire jusqu’à la publication d’un article. A commenter et discuter sans limites, donc !
Histoire d’un concept
L’histoire et la philosophie des sciences se sont toujours intéressés à la “science déjà faite”, c’est-à -dire la science comme corps de connaissances et succession de paradigmes, plutôt qu’à la “science en train de se faire”. A la fin des années 1980, celle-ci est soudainement mise en lumière par la sociologie des réseaux sociotechniques, appuyée notamment sur une anthropologie du laboratoire. Dans l’un des premiers manifestes de ce mouvement, le livre de Bruno Latour intitulé justement La Science en action (édition originale en anglais parue en 1987), on se souvient que l’auteur utilise la métaphore des deux faces de Janus : la “science en train de se faire” est la face de droite (vivante, incertaine, informelle et changeante) tandis que la “science toute faite” ou la “science prêt-à -porter” est la face de gauche (austère, sûre d’elle-même, formaliste et réglée). Et, rajoute Bruno Latour, il n’y a rien dans la science faite qui n’ait été un jour dans la science incertaine et vivante
[1]. Passer de l’un à l’autre implique juste de réanimer, réagiter, réchauffer, rouvrir
les faits gravés dans le marbre de la connaissance scientifique. C’est ainsi que l’on obtient un récit moins lisse, où l’activité scientifique résulte d’un processus de construction aussi bien social que technique, où les scientifiques sont plongés dans des controverses, où ils fonctionnent en collectif et doivent composer avec des instruments et des objets techniques qui échappent aux scripts imaginés par leurs concepteurs et dont les variations redessinent, à leur tour, de nouvelles connexions
[2].
D’un champ à l’autre
Cette approche séminale en histoire et sociologie des science, bien que longtemps iconoclaste, s’est retrouvée dans un air du temps qui l’a emmené vers des terrains nouveaux. Politique, évaluation, didactique et muséologie l’ont fait également sienne. Car contrairement à la “science déjà faite”, dont le seul nom suffit à faire fuir les plus passionnés, la “science en train de se faire” offre une pièce rêvée au théâtre de la vie moderne. Elle met en scène des chercheurs qui joutent, des citoyens qui ajoutent leur grain de sel, des bribes de savoir qui se heurtent les unes aux autres, l’environnement ludique du laboratoire et la comédie infinie des sentiments humains. Quitte à perdre de son sens premier au passage.
En effet, n’oublions pas que dans le sens de Latour et ses collègues, la “science en train de se faire” vise in fine à comprendre l’efficacité des sciences (une efficacité qui se juge aussi hors de l’univers des communautés savantes), à saisir comment des pratiques de laboratoire en viennent à devenir des vérités socialement acceptées, comment elles en viennent à faire advenir un nouveau monde (un monde plein de microbes par exemple), à peser sur lui et à le transformer
[3]. Il s’agit de déconstruire des savoirs qui se présentent habituellement en bloc en les remettant dans leur contexte et en se plongeant dans les conditions de ce refroidissement progressif qui les transforme en essences de la nature ou de la société
[4]. Il est inévitable que ce sens très fort se perde au fil des pérégrinations du concept.
Montrer la “science en train de se faire”
Parmi les nouveaux champs où le concept de la “science en train de se faire” s’est diffusé, la didactique et la muséologie ont ceci en commun qu’elles s’attachent à montrer la science. Et que “montrer la “science déjà faite” ou montrer la “science en train de se faire” n’ont rien à voir. Dans le premier cas, en s’attachant aux savoirs, on revient à l’empoisonnante et répétitive corvée qui consiste à frapper le pauvre dêmos indiscipliné avec le gros bâton des “lois impersonnelles”
[5] ; dans le second, on renouvelle l’attractivité de la matière scientifique et on éduque même à la citoyenneté.
Mais derrière cette typologie bien nette, des formes hybrides émergent. Quand le centre de culture scientifique, technique et industrielle du Rhône passe 24 h avec un chercheur, est-ce qu’il donne à voir une “science déjà faite” ou une “science en train de se faire” ?
Cela dépend. Si dans ces 24 heures le chercheur met en scène son savoir à travers ses pratiques, c’est-à -dire s’il nous montre son terrain, ses dispositifs expérimentaux voire ses bailleurs de fonds pour mieux nous expliquer ce qui en sort et les connaissances qu’il en tire, alors nous sommes en présence d’une “science déjà faite”. Par contre, s’il nous montre les mêmes choses en abordant l’incertitude intrinsèque au travail scientifique, la contingence de la construction des savoirs et les traductions permettant d’enrôler des alliés pour clore les controverses, alors nous sommes en présence d’une “science en train de se faire”. La “science en action” n’est donc pas tant dans ce que l’on montre que dans la manière dont on le montre.
Même chose pour les blogs de science. En ouvrant une fenêtre sur l’activité du scientifique, ils peuvent montrer la “science en train de se faire” ou pas selon qu’ils cherchent consciemment à rapporter cette dimension “chaude” de leur activité. Il nous faudra sans doute un peu de recul pour savoir si ce nouveau médium a effectivement réussi ce pari-là ou non.
Même chose, enfin, pour d’autres média qui montrent l’activité scientifique, à l’instar des séries télévisées. André Gunthert, par exemple, encense sur son blog la série américaine Bones en ce qu’elle a su reproduire l’ambiance élitiste et somptuaire du spectacle de la science en action
. Or avec l’entrée fracassante de la notion de spectacle dans la médiation scientifique officielle[6], la “science en train de se faire” et son spectacle clés en mains peuvent facilement sortir de la télévision pour entrer dans les institutions de la République comme le Palais de la découverte.
Le cas du Palais de la découverte
Mais si la muséologie s’est appropriée le courant de la science “en train de se faire”, c’est aussi parce qu’il recouvre des concepts qu’elle s’efforce de mettre en œuvre face à ses publics. Et qu’en l’adoptant, elle cherche à se rattacher à tout un pan de recherches académiques à succès, et à la légitimité qui l’accompagne. Le cas du Palais de la découverte est sans doute le plus intéressant. Voulu par Jean Perrin à l’occasion de l’Exposition internationale de 1937, il avait un but politique évident, celui de défendre la “science pure”, uniquement motivée par une curiosité gratuite
[7]. A cette fin, ses concepteurs s’inspirèrent du renouveau de la muséologie pour créer un musée moderne de la science vivante, constamment renouvelé et complété
, abandonnant la monstration pour la démonstration : présentation de machines en mouvement, réalisation d’expériences en direct, participation active des visiteurs etc.
Cette ambition initiale correspond à ce que les visiteurs retiennent encore aujourd’hui de leurs visites au Palais de la découverte : les illusions d’optique, la cage de Faraday, le dôme avec les décimales de pie, les démonstrations d’électricité statique… Il semble donc que les présupposés du Palais n’ont pas changés. Le magazine québecois Pluie de sciences l’explique bien :
Le Palais de la Découverte avait pour objectif (et le poursuit aujourd’hui) de recréer le moment clé de la recherche en reproduisant les expériences significatives qui jalonnent la connaissance. La découverte, c’est ce moment rare qui récompense des années de travaux menés dans le souci de faire progresser la science et l’humanité, sans aucune contrainte de rentabilisation.
On est bien plus près du mythe de la science véhiculée par les manuels scolaires, qui serait procédurale plus que créative, basée avant tout sur les expériences et dont les modèles représenteraient la réalité[8] que de la “science en train de se faire”. Pourtant, à l’heure où il est menacé et tente de se défendre à coups de pétitions, le Palais s’en réclame sans cesse :
Malgré tout, les visiteurs continuent à venir nombreux dans ce lieu : pour quelles raisons ? Parce qu’ils y trouvent, non pas seulement des espaces d’exposition, mais aussi des êtres humains qui prennent du temps pour dialoguer avec eux et susciter chez eux un intérêt pour les sciences. Et parce qu’on leur donne à comprendre les fondamentaux de la science ainsi que la recherche “en train de se faire”.
Celui qui signe la pétition n’en saura pas plus mais on trouve sur le site du Palais de la découverte une page consacrée à l’initiative “Un chercheur, une manip” qui invite des scientifiques à présenter leurs travaux en reproduisant en direct l’une de leurs expériences :
Véritable petit bout de laboratoire au sein de nos expositions, “Un chercheur, une manip” est une vraie rencontre avec la “science en train de se faire”, et permet de découvrir la réalité des laboratoires.
Et un récent rapport d’une commission du Sénat d’entériner ce virage (p. 14) :
Sur les dix dernières années 530.000 visiteurs sont accueillis en moyenne chaque année, preuve que le concept du musée « montrer la science en train de se faire » garde toute sa pertinence.
Pourtant, on peut s’interroger : le Palais de la découverte montre-t-il vraiment la “science en train de se faire” ? Cela semble difficile alors qu’il ne se veut pas une réflexion sur l’activité de la science mais une initiation aux grands phénomènes ainsi qu’aux nouveaux champs de l’activité de recherche
[9]. Probablement pas non plus dans le sens où les manipulations qui servent de démonstrations ont été largement répétées au laboratoire et que si le côté spectaculaire demeure, c’est grâce au contenu solidifié de manipulations bien choisies et non pas à l’exaltation du tri entre ce qui sera jugé scientifiquement valable et ce qui ne le sera pas
[10]. Dès lors, on peut légitimement douter que de telles démonstrations donnent à découvrir la réalité des laboratoires. C’est ce que reconnaissait implicitement un atelier lors du dernier congrès de l’Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (p. 14) :
il est nécessaire de faire connaître les ressources des CCSTI aux laboratoires afin qu’ils les utilisent pour communiquer sur leurs travaux. La familiarisation du public à la recherche lors d’une visite de CCSTI en serait largement facilitée. Le dispositif du Palais de la découverte “un chercheur/une manip” a été salué comme permettant cette médiation entre le chercheur et la société.
Il semble bien que l’appropriation du concept de “science en train de se faire” par le Palais de la découverte est plus une aubaine qu’une vocation, à la fois pour se donner une consistance institutionnelle et pour se démarquer des autres musées de science dont on cherche à le rapprocher. Un récent article du Monde jouait bien ce jeu, quitte à bousculer la vérité historique :
Depuis vingt ans, le Palais de la découverte et la Cité des sciences coexistent en bonne intelligence. Le premier a été créé en 1937 pour présenter “la science en train de se faire”, par le biais d’exposés, d’expériences et de manipulations commentées à l’intention des jeunes. Le second a été fondé en 1986 pour “rendre accessible à tous les publics le développement des sciences, des techniques et du savoir-faire industriel”.
De la micro-“science en train de se faire” à la macro-“science en train de se faire”
Nous l’avons dit, montrer la “science en train de se faire” passe par la mise en scène de l’incertitude intrinsèque au travail scientifique, la contingence de la construction des savoirs et les traductions permettant d’enrôler des alliés pour clore les controverses. Les anthropologues de laboratoire y arrivent parce qu’ils passent du temps à observer les activités de leurs sujets et qu’ils en rendent compte dans un langage différent de celui qu’adoptent les chercheurs du champ pour parler de leur objet. On peut attendre la même chose des muséologues s’ils s’appuient sur la littérature de la sociologie et de l’anthropologie des sciences. Mais dans tous les cas, il semble difficile de montrer le processus incertain et chaotique fait d’allers et retours permanents
[11] de la “science en train de se faire” en se cantonnant à ce qui se passe entre les quatre murs du laboratoire. Même si les formes hybrides mentionnées précédemment comme les “24 heures avec un chercheur” ou “un chercheur, une manip” sont les bienvenues, il est difficile d’en faire des formes de monstration de la “science en train de se faire”. Et a fortiori un véritable méta-discours sur la science.
Pour sortir de cette difficulté, on peut comme souvent dézoomer d’un cran et s’intéresser à la macro-“science en train de se faire”. C’est-à -dire remplacer l’activité d’un chercheur ou d’un laboratoire unique par celle d’un ensemble de laboratoires, d’instituts de recherche voire de la communauté des chercheurs dans son ensemble. Remplacer des pratiques trop idiosynchrasiques pour pouvoir être généralisées ou expliquées par des considérations plus générales sur le fonctionnement de la science. C’est ce qu’un atelier monté pour le festival Paris-Montagne s’efforçait de faire. Face à des groupes de jeunes de 9 à 18 ans, il mettait en scène l’écrit de la science (demandes de financements, cahiers de laboratoire, articles scientifiques, articles de vulgarisation, brevets…) comme outil indispensable à la stabilisation des savoirs via les circuits de la communication scientifique, mais aussi comme élément de l’activité “politique” du scientifique contraint de sortir de son laboratoire pour demander des fonds, protéger ses innovations et en tirer quelques bénéfices. Un seul exemple : le cahier de laboratoire y est décrit comme le “journal intime” du chercheur, plein de ratures et d’expressions peu académiques (comme cette “méthode corse” qui désigne un protocole qui se déroule tout seul en physique[12]) avant de faire remarquer que de toute cette cuisine, seuls 5 % seront utiles et apparaîtront publiquement quand le chercheur voudra communiquer le résultats de ses recherches[13]. Cette description, au lieu de tracer une ligne droite entre observation et conclusion, souligne le long travail du chercheur dégageant le fait de sa gangue sans parler du travail subséquent de rhétorique et de persuasion nécessaire pour le stabiliser dans une forme acceptable par tous.
La partie pratique sur laquelle s’achève l’atelier permet l’élaboration par le jeune public de compte-rendus d’expériences ou d’observations scientifiques qui sont dans l’ordre du “problématique” et prennent donc le contre-pied épistémologique des devoirs corrigés par le professeur ou des manuels scolaires qui sont dans l’ordre du “vrai et du faux”[14]. Comme dans la communauté scientifique, ils s’agit ici de discuter entre “pairs” pour s’accorder sur ce qui a été observé et les conclusions qu’il faut en tirer, lesquelles peuvent varier authentiquement entre les élèves[15]. Cet exercice s’inscrit dans une longue tradition d’écriture scientifique en milieu scolaire, mais où la dynamique de construction collective dans un contexte constructiviste et collaboratif
est privilégiée sur l’écriture individuelle[16]. Il peut être aussi prétexte à découvrir les codes et pratiques culturelles (présentation des résultats expérimentaux, normes d’écriture etc.) qui constituent le ciment qui unit la communauté scientifique
[17]. Alors, parce qu’on place les élèves dans des contextes scientifiques authentiques, leur permettant de créer une argumentation scientifique utilisant des données qu’ils ont eux-mêmes obtenues, ils peuvent toucher du doigt la fabrication de la science[18]. Ce qui ne va pas sans difficultés puisque l’image de la “science déjà faite” est bien ancrée dans les esprits et que pour les élèves, la vérité préexiste à sa découverte, les mots ne peuvant alors avoir qu’une fonction de description des observations et non de constitution d’une théorie[19]. Et s’ils savent que les scientifiques travaillent en groupes et que ce travail leur permet d’échanger des points de vue, les élèves ont une représentation naïve de la “preuve” scientifique et de la construction d’une théorie, et une idée finalement vague des caractéristiques du travail des scientifiques[20]. Mais il en va souvent de même des enseignants[21], d’où l’intérêt, malgré la difficulté, de ces représentations de la “science en train de se faire”.
Dézoomer d’un cran, c’est aussi ce que cherchait l’exposition “Science recto verso” qui s’est tenue dans la Galerie d’actualité scientifique de l’université Louis-Pasteur de Strasbourg en avril 2002, organisée par les étudiants du Master de Communication scientifique et technique. A travers quatre espaces thématiques, elle cherchait à montrer l’univers et le quotidien des chercheurs en se demandant par exemple si un chercheur est seul ou en équipe, ce qu’il cherche et à quel prix ou encore ce qu’il fait de ses résultats. Et il existe bien d’autres prolongations de ce modèle, parfois audacieuses comme le dispositif de “poubelles de chercheurs” développé par le centre de culture scientifique, technique et industrielle du Rhône. Partant d’éléments disparates qui pourraient provenir directement de la poubelle d’un laboratoire, il permet de reconstituer a posteriori l’activité du chercheur et la façon dont il la conduit. Ainsi, le gobelet de café retrouvé dans la poubelle de l’astronome montre les stratégies employées pour tenir le coup lors d’observations nocturnes mais témoigne aussi de l’importance des échanges (même informels) dans un laboratoire, autour de la machine à café. Le billet d’avion pour Hawaï indique que les recherches en astronomie se font dans des lieux peu anthropisés, éloignés de toute source de pollution lumineuse, mais souligne aussi l’importance des voyages à l’international, des rencontres avec la communauté des chercheurs et des colloques. Toutes ces formules ont en commun d’échapper à l’idéalisation coutumière des expériences de médiation ou d’enseignement scientifique, qui conduit les non-scientifiques à un complexe d’infériorité vis-à -vis du chercheur[22]. A l’inverse, disséquer le travail du scientifique au laboratoire plutôt que le montrer pourvu de ses habits autoritaires contribue à montrer que le scientifique est un spécialiste de la science, comme le garagiste est un spécialiste de la mécanique, et que tous deux ont un langage propre, en apparence hermétique, mais accessible
[23].
Paradoxalement, cette solution macroscopique revient à sortir du laboratoire alors que le concept de “science en train de se faire” a pris jour en y rentrant. Mais ce n’est qu’un effet de loupe : le niveau du laboratoire reste celui qui dicte ce que l’on observe à l’échelle de la communauté, et ces propositions reviennent juste à en sortir pour pouvoir montrer ce que l’on a appris en y entrant.
Notes
[1] Bruno Latour (1995) [1987], La Science en action, Gallimard, coll. “Folio essais”, p. 29
[2] Franck Aggeri et Armand Hatchuel (2003), “Ordres socio-économiques et polarisation de la recherche dans l’agriculture : pour une critique des rapports science/société”, Sociologie du travail, vol. 45, pp. 113-133
[3] Dominique Pestre (2006), Introduction aux Science studies, La Découverte, coll. “Repères”, p. 46
[4] Bruno Latour (1997) [1991], Nous n’avons jamais été modernes, La Découverte, coll. “Poche”, p. 185
[5] Bruno Latour (2007) [1999], L’espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l’activité scientifique, La Découverte, coll. “Poche”, p. 278
[6] Cf. deux publications de 1993 : Elisabeth Bacon (dir.), Les scientifiques et le spectacle de la science, Actes de la IV° rencontre internationale du groupe d’étude et de recherche sur la science de l’Université Louis-Pasteur et Sciences et technique en spectacle, de la représentation théâtrale à l’expérience de démonstration, Actes des XVe journées internationales sur la communication, l’éducation et la culture scientifiques et techniques, Chamonix.
[7] Jacqueline Eidelman (1992), “La création du Palais de la découverte. Idéalisme corporatiste et matérialisme politique”, in Brigitte Schroeder-Gudehus (dir.), La société industrielle et ses musées. Demandes sociales et choix politiques, 1890-1990, Editions des archives contemporaines, pp. 161-169
[8] W. F. McComas (1998), “The principal elements of the nature of science: dispelling the myths” in W. F. McComas (dir.), The Nature of Science in Science Education: Rationale and Strategies, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, pp. 5370
[9] Emmanuel Hamelin (2003), “Développement et diffusion de la culture scientifique et technique : un enjeu national”, rapport établi à la demande du Premier ministre, p. 54
[10] Bruno Latour (2001), Le Métier de chercheur, regard d’un anthropologue, INRA éditions, coll. “Sciences en questions”, p. 45
[11] Franck Aggeri et Armand Hatchuel, op. cit.
[12] Odile Welfelé (1998), “Organiser le désordre : usages du cahier de laboratoire en physique contemporaine”, Alliage, n° 37-38, pp. 2541
[13] Ibidem, p. 39
[14] Christian Orange, Jean-Claude Fourneau et Jean-Paul Bourbigot (2001), “Ecrits de travail, débats scientifiques et problématisation à l’école élémentaire”, Aster, n° 33, pp. 111-133
[15] G. Kelly et C. Chen (1999), “The sound of music: constructing science as sociocultural practices through oral and written discourse”, Journal of Research in Science Teaching, vol. 36, pp. 883-915.
[16] Laurence Catel (2001), “Ecrire pour apprendre ? Ecrire pour comprendre ? L’état de la question”, Aster, n° 33, pp. 17-47
[17] Ibidem, p. 30
[18] G. Kelly et C. Chen, op. cit.
[19] C. Sutton (1996), “Beliefs about science and beliefs about language”, International Journal of Science Education, vol. 18, n° 1, pp. 1-18
[20] C. Keys, B. Hand, V. Prain et S. Collins (1999), “Using the science writing heuristic as a tool for learning from laboratory investigations in secondary science”, Journal of Research in Science Teaching, vol. 36, pp. 1065-1084
[21] I. Gaskins et J. Guthrie (1994), “Integrating instruction of science, reading, and writing: goals, teacher development, and assessment”, Journal of Research in Science Teaching, vol. 31, n° 9, 1039-1056 ; article reçu par mail
[22] Richard-Emmanuel Eastes (2004), “Les pièges de la médiation scientifique : proposition de « bonnes pratiques »”, L’actualité chimique, n° 280281, pp. 6368
[23] Idem
Commentaires
Si je peux me permettre, je crois que cette note entretient une certaine confusion entre la mise à jour de la science en train de se faire et les fondements épistémologiques de ce travail de mise à jour. On peut fort bien montrer la science en train de se faire sans abandonner l'idée que "la vérité préexiste à sa découverte", et en restant "dans l'ordre du vrai et du faux". La BBC fait ça très bien (je pense notamment au téléfilm "Life Story" retraçant la découverte de la structure de l'ADN, avec Jeff Goldblum dans le rôle de James Watson). Bien à toi, EL.
La musique et l'arrangement de la vidéo Cemagref m'ont beaucoup amusé, pour des raisons qui m'échappent encore.
Salut, billet très intéressant. Il faudrait que j'y réfléchisse un peu, mais un truc me frappe immédiatement : tu parles de "la science en train de se faire", du "cahier d'expérience" ... mais je dirais qu'il y a autant de manière de faire de la science que de chercheur. Par exemple, en ce qui me concerne, je ne tiens pas de cahiers d'expérience proprement dit, vu que je fais de la théorie. Par contre, j'ai un cahier d'idées sur lequel je mets au propre mes calculs (ou sur lequel j'écris toute idée qui me paraît intéressante), j'ai un cahier de trucs et astuces informatiques ... La science n'est pas qu' expérimentale; aujourd'hui elle est aussi numérique. Autrement dit, l'objectif est assez indéfini dès le départ. Enfin, avant de faire des trucs concrets, il y a tout le travail d'élaboration des idées, dont on ne parle jamais. Lire des articles, aller en conf, discuter avec les collaborateurs, c'est le plus important, et cela n'est pas forcément informel autour de la machine à café, bien au contraire, c'est de plus en plus organisé (group meetings, etc ...). Pour finir sur une note pessimiste, j'ai quelques doutes sur la possibilité réelle de montrer "l'ambiance élitiste et somptuaire du spectacle de la science en action". Parce que souvent, la science en action n'a rien de somptuaire vue de l'extérieur, bien au contraire; ce qui la rend magnifique c'est la compréhension que nous apporte telle ou telle manip. Or, pour comprendre, il faut en général avoir un savoir préexistant que ne partagera jamais le grand public. Qu'y a-t-il d'excitant pour le grand public lorsqu'un scientifique découvre un aspect crucial du développement de la vulve d'un ver de terre ?
EL > La confusion, c'est plus les muséologues classiques que moi qui la font, non ? Et c'est bien le but de ce billet que de contester l'usage à tout crin du concept de "science en train de se faire", éloigné de ses premiers supposés épistémologiques. Je ne connais pas ce téléfilm de la BBC mais j'imagine qu'il retrace l'histoire de la découverte de Watson et Crick, avec force suspens et mise en scène. Sauf qu'on connaît déjà le dénouement de l'histoire, c'est de la science jugée, dans le registre du vrai et du faux : dire que c'est de la "science en train de se faire", façon Latour si tu veux, je ne crois pas. Je ne sais pas si je suis clair... Ravi en tous cas de te voir à nouveau commenter par ici !
Fr. > Et encore, j'avais initialement intégré la vidéo dans ce billet, ce qui la lançait dès l'ouverture de la page. Je ne te raconte pas l'effet… ;-)
Tom > Effectivement, c'est très dur de montrer la science en action façon "venez avec moi dans mon labo et ensemble nous tâtonnerons jusqu'à tomber sur un ou deux résultats qui ne seront pas fixés tant qu'ils ne seront pas corroborés par d'autres équipes et d'autres approches". D'où le truchement du changement d'échelle et du fonctionnement de la communauté en général, sans point de repère particulier. Ensuite, la question du bien fondé de montrer cela. Ta dernière phrase m'invite plutôt à penser à rebours de toi :
Justement, il me semble qu'il est bien plus excitant de témoigner du travail effectué pour aboutir à ce résultat, des procédés mis en œuvre, des preuves apportées, des controverses refermées… que du résultat brut, sec, dégagé de tout son contexte : ainsi est faite la vulve d'un ver de terre. Quant au cahier de laboratoire, ce n'est qu'un exemple (assez généralisé tout de même), évidemment que les pratiques des chercheurs sont loin d'être homogènes !La science en train de se faire ou le spectacle de la science en train de se faire? Car si l'on veut montrer la science en train de se faire, il faut respecter l'échelle de temps, l'incertitude, les travaux répétitifs et pénibles, les problèmes administratifs, humains, etc... Et pourquoi pas la comptabilité en train de se faire, la peinture en train de se faire, etc...? On peut avoir une idée de comment se font les découvertes grâce aux publications, en remontant l'arbre des références bibliographiques. C'est passionnant pour moi, mais pas pour tout le monde. Maintenant, si le propos est de combattre le scientisme, de combattre cette menace pour la démocratie que constituent les experts qui ont la science infuse du vrai et du faux (voire pour certains du bien et du mal), il vaut mieux populariser l'oeuvre de Popper.
Assez d'accord avec Woody. D'ailleurs ce que tu decris avec les "poubelles de chercheurs" est exactement ca : une mise-en-scene. Parce qu'on ne jette pas nos billets d'avions si on veut se faire rembourser...
Autre remarque : tu presentes, au debut, le Latourisme de facon exterieure ("Latour et ses collegues") mais tu fais ensuite tien leur vision de la science. Il me manque un "cet article se situe dans cette ecole de pensee" ou n'importe quelle autre phrase qui prenne un peu position.
Et si c'est le cas, je te demanderais si le monde n'etait pas peuple de microbes ou d'atomes avant qu'on ne les decouvre. Autrement dit, si ce sont, pour toi, uniquement des constructions sociales...
Ta critique des muséologues affichant leur volonté de montrer la science en train de se faire tout en se contentant de délivrer un savoir et des pratiques expérimentales stabilisés est tout à fait juste. Ce que je questionnais, mais c'est un détail, c'est l'idée que le concept de "science en train de se faire" repose naturellement sur les "premiers supposés épistémologiques" qui l'ont vu naître (la métaphysique latourienne, pour faire un peu de provocation). L'idée, par exemple, que "l'élaboration par le jeune public de compte-rendus d'expériences ou d'observations scientifiques qui sont dans l'ordre du "problématique" ... prennent donc le contre-pied épistémologique des devoirs corrigés par le professeur ou des manuels scolaires qui sont dans l'ordre du "vrai et du faux."" Je ne crois pas à ce "donc" qui oppose nécessairement l'ordre du "problématique" et l'ordre du "vrai et du faux". On peut révéler l'incertitude de l'enquête scientifique sans renoncer à l'idée de vérité. Une telle perspective serait finalement assez proche (mais certes pas identique) de certaines traditions pragmatistes, notamment celle de Dewey. Pour être plus concret, je pourrais faire le rapprochement avec les histoires policières, qui racontent les hésitations des enquêteurs et les incertitudes de l'enquête sans renoncer à l'idée qu'il y a un coupable quelque part. PS 1 : Le téléfilm en question est précisément à l'opposé d'une science en train de se faire "à la Latour", mais il met pourtant parfaitement à jour les incertitudes de cette science en train de se faire. Et que l'on connaisse le dénouement n'y change pas grand chose (après tout, on connaît également le fin mot de l'histoire entre Pasteur et Pouchet). PS 2 : je ne commente pas souvent (faute de temps), mais je suis un lecteur fidèle.
Sujet passionnant. Quelle est la limite entre la sensibilisation par la démonstration et le spectacle vain ? J'adore le palais de la découverte car même si l'on y réinvente continuellement la poudre (les expériences sont pour la plupart assez vieillottes), il y a une authentique envie de transmettre et d'émerveiller et de faire ça d'humain à humain. La muséologie de la pédagogie scientifique tend de plus en plus vers les explications joliment rédigées sur les murs par d'excellents graphistes, le tout superbement éclairé, photographié,... Mais en même temps, on est dans le livre et plus dans la science (qui est un processus d'abord). Je pense à la restauration de la galerie de l'évolution : un superbe disneyland, avec des bruits d'animaux et un éclairage formidable, pour lequel on a jeté une centaine de milliers d'oiseaux empaillés qui prenaient de la place. Au passage, transformer un musée vivant de zoologie (où les explorateurs envoyaient le moindre piaf louche) en une illustration foireuse de l'arche de noé (avec deux animaux par espèce et surtout des espèces connues : le lion, la giraffe,...), voilà qui me semble un peu contraire à ce qu'est l'honneur même de la science : chercher à comprendre sans avoir peur d'affronter la complexité de son objet d'étude (la religion, comme la scénographie moderne, simplifie).
J'aime bien les Petits débrouillards. En effet, refaire sempiternellement les mêmes expériences est encore plus intéressant si l'on est soi-même le "savant", et c'est ce que cette association propose aux gamins. Ce qui me rappelle une expérience à laquelle j'ai eu l'honneur de participer : le portage des expériences sur support multimédia interactif.
Autre référence (désolé de commenter dans le désordre) : le Musée de l'homme, dépossédé de certains des trésors de l'anthropologie pour enrichir le fonds du musée du quai Branly. La science devient simple sujet esthétique. Et le pire c'est que quelque part, c'est bien : ces vieux masques perdus au fond du musée le plus orphelin de tous les musées de l'éducation nationale ont gagné au musée des arts premiers le droit d'être à nouveau regardés, et d'ailleurs d'être assez bien mis en valeur pour eux-mêmes (et non pour les recherches qui ont permis leur collecte).
Je plussoie les commentaires de EL et Jean-No
Je tiens aussi a souligner que si la plupart des commentaires ci-dessus sont assez critiques, ils ne le sont (je pense pouvoir m'exprimer pour nous tous) dans un but d'enrichir ton article et non de le descendre. C'est la revue par les pairs peinards...
Tous > Désolé pour la réponse tardive, ces derniers jours ont été assez intenses avec le forum des blogueurs ;-) Et oui, j'ai conscience que vos critiques sont constructives et n'ont pas pour but de descendre mon article !
woody > Popper plutôt que Latour ? Je ne suis vraiment pas sûr... L'idéal est probablement Popper + Latour mais avec du Popper véritable, pas un ersatz dont on aurait seulement retenu que
. Car Popper c'est aussi l'idée que la science n'établit aucune vérité absolue mais procède par réfutations successives, aboutissant à des vérités transitoires qui ne demandent qu'à être précisées ou invalidées !blop > OK sur l'aspect "mise en scène" ou "recréation". Peut-être que les blogs, s'ils arrivent réellement à montrer la science en train de se faire, peuvent échapper à ce piège là . Concernant ma propre position épistémologique, dois-je forcément la préciser ? Il me semble que j'essaye de prendre un point de vue assez extérieur, celui d'un observateur qui constate le dévoyement d'une analyse épistémologique au fur et à mesure qu'elle change de domaines. Je me contente (presque) de remettre les pendules à l'heure et d'expliciter ce que pourrait être une monstration de la "science en train de se faire" qui suivrait ses présupposés épistémologiques. Pas besoin d'être latourien pour ça, ou à peine ;-)
EL > Merci pour cette précision, je vois mieux ce que tu veux dire. Malheureusement je n'ai pas de réponse à cela ou presque. Sans doute qu'entre "montrer la science en train de se faire" et "montrer la science déjà là ", il n'y a pas opposition absolue mais un continuum. A un extrême, on montre des connaissances stabilisées et on donne une image de la science robuste, qui dit le vrai ; à l'autre extrême, on a une science qui avance le nez dans le guidon, se corrige en permanence et travaille au-delà de son objet naturel pour se stabiliser. Entre les deux, il y a diverses façons d'insister sur l'un ou l'autre aspect. C'est pour cela que faire rédiger des compte-rendus d'expérience à des élèves les met dans des situations problématiques plutôt que dans une recherche de la bonne réponse qu'attend le professeur, sans pour autant signifier que la nature n'existe pas en dehors ou qu'in fine, il n'y a pas de bonne réponse . On fait juste ressortir un aspect plutôt qu'un autre. Et d'après la littérature que j'ai survolée (je ne suis moi-même pas un spécialiste de la conception de la science chez le jeune public), il y a du boulot ! Bref, je m'en vais de ce pas ôter ce
qui induit en erreur et c'est probablement un point que j'expliciterai dans une future version.Jean-no > Je suis bien d'accord : il y a des tonnes de choses que les musées de science peuvent et doivent faire, au-delà de ce que j'évoque ici. Et moi-même je me régale dans certains de ces endroits alors que ça me gonflerait probablement d'assister perpétuellement à des opérations visant à montrer la "science en train de se faire". C'est pour cela qu'il est regrettable que ces institutions sautent parfois sur ces concepts pour en sortir des choses fumeuses quand ils excellent si magnifiquement ailleurs…
"celui d'un observateur qui constate le dévoyement d'une analyse épistémologique au fur et à mesure qu'elle change de domaines" > il faut que je relise ton texte. Mais ça ne m'était pas apparu à la première lecture (ou en tout cas je n'en ai pas gardé le souvenir)... Il doit manquer quelque chose dans l'introduction qui guide le lecteur vers cette lecture.
Je signal trois ouvrages dédiées au sujet, issues de trois conferences organisées spécifiquement pour faire le point sur le thème. Ils retraces très bien l'évolution de la problématique.
Le premier a un peu vieilli, le deuxième contient des articles intéressantes, le dernière est très, très interessant et contient beaucoup d'exemples (TOUTS les musées et centres des sciences s'interrogent sur la science en train de se faire, et proposent des initiatives, exemples, solutions). Un article de John Durant (Unfinished science) dans ce dernier fait très bien le summary...
1. Durant, J. 1998 Museum and the public understanding of science, Science Museum, London.
2. Lindqvist S. 2000), Museums of Modern Science, Nobel symposium 112, Science History Pubblications/The Nobel Foundation.
3. Chittenden D., Farmelo G. e Lewenstein B.V. (2004), Creating Connections: Museums and the Public Understanding of Current Research, Altamira Press, Walnut Creek.
Matteo > Merci beaucoup. Il est vrai que j'ai une vision assez maigre des recherches en muséologie, il ne me reste plus qu'à me plonger dans ces références !
A propos du téléfilm sur la découverte de l'ADN avec Jeff Goldblum. J'aimerais bien le revoir, moi, car il m'avait beaucoup intéressé. Où puis-je le trouver?