Jean Weissenbach, médaille d'or du CNRS 2008
16
juil.
2008
Le CNRS l'a annoncé le 9 juillet lors d'une conférence de presse : la médaille d'or de l'organisme est remise cette année à Jean Weissenbach, généticien célèbre pour avoir dirigé le Généthon qui participa au programme mondial de séquençage du génome humain. C'est peut-être parce que j'étais convalescent chez moi après une opération des dents de sagesse (je vais mieux, merci) mais il ne m'a pas semblé avoir vu la nouvelle circuler beaucoup. C'est vrai, nous sommes en période estivale alors que d'ordinaire, le prix est annoncé en septembre ou octobre (Jean Tirole en 2007, Jacques Stern en 2006). Une exception étonnante, qui peut s'expliquer de deux façons :
- l'agenda du CNRS est très bousculé, n'étant pas sûr d'être encore debout à la rentrée ; mais dans ces circonstances, on a en général d'autres chats à fouetter que de remettre des prix. Sauf si…
- ce prix est une pierre dans le jardin de ceux (suivez mon regard) qui voudraient remettre en question la légitimité du CNRS à s'occuper des sciences du vivant, comme l'explique bien Sylvestre Huet sur son blog.
Au-delà de ces considérations, que faut-il penser de ce lauréat ? Je vous laisse libre de votre opinion mais moi, je me suis senti lésé, beaucoup moins enthousiasmé que les précédentes années. En effet, je me reconnais peu dans le type de recherche menées par Jean Weissenbach (de la génétique à haut débit, de la technoscience façon Craig Venter), éloignées des bricoleurs et penseurs libres qui font la richesse d'un CNRS.
Qu'on ne s'y méprenne pas : le prix n'est pas usurpé et Jean Weissenbach est cité régulièrement sur la shortlist du prix Nobel. Il est aussi un des biologistes les plus cités au monde, et le premier Français. Mais là encore, les coulisses sont moins flatteurs : son article le plus cité, avec plus de 3000 citations, est celui sur la séquence génétique du génome humain publié dans Nature en 2001. Un travail colossal avec un nombre tout aussi colossal d'auteurs. On est loin de l'artisanat du bout de paillasse, surtout qu'il remettait ça avec la séquence de l'anophèle, de la paramécie, du riz, de la vigne et bien d'autres organismes encore… Une science à la chaîne, quoi !
Je ne critique pas ce travail indispensable, qui a des retombées formidables (et qui a été permis par le Téléthon via le financement de l'AFM, ne l'oublions pas), mais simplement le style de science qui est derrière. Quant à l'homme, je n'ai rien à redire : loin d'un Craig Venter, il a toujours défendu l'accès libre aux séquences génétiques et combat le brevetage abusif des gènes (cf. "Faut-il breveter les gènes ?", Biofutur, n° 204, 2000). On se souvient que son collaborateur Charles Auffray avait remis le 28 octobre 1992 à l'UNESCO les premiers transcrits humains identifiés, en demandant de protéger ces données contre les dangers d'une monopolisation, pour le bénéfice de l'humanité
(plus pragmatiquement, il les avait aussi déposées dans la base de données de l'EMBL). Et que quelques années plus tard, en 1997, l'UNESCO adoptait la Déclaration universelle sur le génome humain avec son article premier :
Le génome humain sous-tend l'unité fondamentale de tous les membres de la famille humaine, ainsi que la reconnaissance de leur dignité intrinsèque et de leur diversité. Dans un sens symbolique, il est le patrimoine de l'humanité.
Commentaires
Il est vrai que ce prix est à double tranchant. D'un coté, on a un des plus grand scientifiques français et pionnier dans de nombreux domaines, d'un autre coté, ce prix peut correspondre à une vision de la science très technique et utilitaire qui malheureusement tend à dominer par les temps qui courent. C'est malheureusement plus ce coté que certains hommes politiques vont retenir et mettre en avant.
Sans Weissenbach la France serait probablement complètement passée a coté du tournant de la génomique a haut débit a la fin des années 90' et l'on aurait pas les capacités de séquencage actuelle qui rende énormément de service a la biologie plus emprique, fonctionnant a base d'hypothèses, mais nécéssitant en amont des données de séquences en masses. C'est le cas de ma discpline, la bio évolutive, science empirique par nature qui a connu des bouleversements considérables avec l'obtention des données de séquences massives. Bien sur on est loin du penseur génial qui avec 3 éprouvettes et 2 bouts d'allumettes révolutionne sa discipline. Mais n'est on pas là plus dans l'Image d'Epinal de la science que de la réalité des labos en 2008 ? La biologie a lourdement évolué en 10 ou 20ans, et ce prix récompense a mon avis plus un visionaire qu'un découvreur, mais mon sentiment c'est que l'un et l'autre sont tout autant indispensable a l'avancée des sciences. Pour rajouter un mot sur l'article de S. Huet, le Genoscope est quand même un drole d'Alien dans le paysage scientifique Francais puisque entité propre, financée par diverses sources et effectuant nottament des activités de sous-traitance via des appels des offres. Tres anglosaxon et bien peu tricolore. Pas sur que se soit forcément une pierre dans le jardin des anti-CNRS... A+ J
>et qui a été permis par le Téléthon via le financement de l'AFM
la phrase n'est pas claire, l'AMF est la seule source de financement du séquencage humain ? en France ?
Par ailleurs, je suis surpris par cet argument, venant de ta part :
> Mais là encore, les coulisses sont moins flatteurs (euses ?) : son article le plus cité, avec plus de 3000 citations, est celui sur la séquence génétique du génome humain publié dans Nature en 2001.
puisque j'avais cru comprendre que tu t'attachais à faire la part des choses en bibliométrie, notamment en tentant de te détacher des perspectives déformantes que rendent un facteur d'impact, et pis encore, un nombre de citations. Reste à aller voir ceux qui ont particulièrement motivés la décision du CNRS, voir même ceux qui auront permis d'obtenir la première carte "haute résolution", qui semble être son plus haut fait. Je ne sais pas qui a eu l'idée d'utiliser les micro satellites (apparemment il n'est pas le seul : "Jean Weissenbach pense, comme d'autres, avoir trouvé dans les micro-satellites, les marqueurs idéaux", mais c'est l'utilisation de cette technique, sans les moyens considérables nécessaires pour un séquençage complet (en relisant les communiqués, ces travaux se sont déroulés au Genethon, nouvellement créé) qui me semble le progrès le plus percutant et ayant comblé le plus grand vide.
> mais simplement le style de science qui est derrière
serais-tu romantique ...
PAk > Alors…