Le CNRS l'a annoncé le 9 juillet lors d'une conférence de presse : la médaille d'or de l'organisme est remise cette année à  Jean Weissenbach, généticien célèbre pour avoir dirigé le Généthon qui participa au programme mondial de séquençage du génome humain. C'est peut-être parce que j'étais convalescent chez moi après une opération des dents de sagesse (je vais mieux, merci) mais il ne m'a pas semblé avoir vu la nouvelle circuler beaucoup. C'est vrai, nous sommes en période estivale alors que d'ordinaire, le prix est annoncé en septembre ou octobre (Jean Tirole en 2007, Jacques Stern en 2006). Une exception étonnante, qui peut s'expliquer de deux façons :

  • l'agenda du CNRS est très bousculé, n'étant pas sûr d'être encore debout à  la rentrée ; mais dans ces circonstances, on a en général d'autres chats à  fouetter que de remettre des prix. Sauf si…
  • ce prix est une pierre dans le jardin de ceux (suivez mon regard) qui voudraient remettre en question la légitimité du CNRS à  s'occuper des sciences du vivant, comme l'explique bien Sylvestre Huet sur son blog.

Au-delà  de ces considérations, que faut-il penser de ce lauréat ? Je vous laisse libre de votre opinion mais moi, je me suis senti lésé, beaucoup moins enthousiasmé que les précédentes années. En effet, je me reconnais peu dans le type de recherche menées par Jean Weissenbach (de la génétique à  haut débit, de la technoscience façon Craig Venter), éloignées des bricoleurs et penseurs libres qui font la richesse d'un CNRS.

Qu'on ne s'y méprenne pas : le prix n'est pas usurpé et Jean Weissenbach est cité régulièrement sur la shortlist du prix Nobel. Il est aussi un des biologistes les plus cités au monde, et le premier Français. Mais là  encore, les coulisses sont moins flatteurs : son article le plus cité, avec plus de 3000 citations, est celui sur la séquence génétique du génome humain publié dans Nature en 2001. Un travail colossal avec un nombre tout aussi colossal d'auteurs. On est loin de l'artisanat du bout de paillasse, surtout qu'il remettait ça avec la séquence de l'anophèle, de la paramécie, du riz, de la vigne et bien d'autres organismes encore… Une science à  la chaîne, quoi !

One of many rows of ABI 3730xl automated DNA Analyzers for shotgun sequencing.  At 30 billion base pairs per year, they could now sequence the human genome in months.<br /><br />Craig Venter gave us a tour of TIGR. ©© Steve Jurvetson

Je ne critique pas ce travail indispensable, qui a des retombées formidables (et qui a été permis par le Téléthon via le financement de l'AFM, ne l'oublions pas), mais simplement le style de science qui est derrière. Quant à  l'homme, je n'ai rien à  redire : loin d'un Craig Venter, il a toujours défendu l'accès libre aux séquences génétiques et combat le brevetage abusif des gènes (cf. "Faut-il breveter les gènes ?", Biofutur, n° 204, 2000). On se souvient que son collaborateur Charles Auffray avait remis le 28 octobre 1992 à  l'UNESCO les premiers transcrits humains identifiés, en demandant de protéger ces données contre les dangers d'une monopolisation, pour le bénéfice de l'humanité (plus pragmatiquement, il les avait aussi déposées dans la base de données de l'EMBL). Et que quelques années plus tard, en 1997, l'UNESCO adoptait la Déclaration universelle sur le génome humain avec son article premier :

Le génome humain sous-tend l'unité fondamentale de tous les membres de la famille humaine, ainsi que la reconnaissance de leur dignité intrinsèque et de leur diversité. Dans un sens symbolique, il est le patrimoine de l'humanité.