La science, la cité

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Peer commentary

Une des voies d'avenir du peer review est l'open peer review où les lecteurs ont accès aux conclusions des rapporteurs et peuvent moduler leur lecture en fonction. Mais si le peer review en soi reste la pierre angulaire du système, il n'empêche pas de développer une option tout à  fait excitante nommée peer commentary où tous les lecteurs peuvent réagir à  l'article et confronter leurs points de vue, ce qui offre une lecture encore plus riche. On le retrouve notamment sur la plateforme ArXiv de physique et mathématiques (avec la fonction de trackback qui permet de faire savoir que l'on a blogué sur l'article), dans les journaux PLoS (par exemple PLoS Computational Biology) et bientôt PLoS ONE que l'on promet novateur en matière de communication scientifique…

Mais dans la plupart des cas, si les commentaires sont intéressants, ils ne suscitent pas des réactions passionnées et il n'y a pas de vrai débat autour de l'article. Le cas est différent avec un article publié dans le British Medical Journal dont vous avez peut-être entendu parler, qui montre que "googler" les symptômes d'une maladie mène au bon diagnostic dans 58% des cas ! Or, depuis le 11 novembre, il y a déjà  eu 39 commentaires, la plupart de médecins, venant critiquer ou approuver l'étude. C'est ainsi que sont critiqués l'intervalle de confiance de 38% à  77%, les biais liés à  la manière dont les maladies testées ont été sélectionnées, la démarche assez limitée où les symptômes sont empruntés exactement au vocabulaire médical ou la notion qui a souvent transparu de "Google comme fournisseur de contenu" ; à  l'inverse, des lecteurs constatent qu'eux-mêmes pratiquent le googling de symptômes, conseillent d'autres bases de données que Google comme Google Health ou d'ajouter "emedecine" à  la syntaxe de recherche pour augmenter la probabilité d'avoir des réponses pertinentes, voire posent d'autres questions pour les études à  venir.

Pour moi, le contrat est rempli : le peer commentary permet d'enrichir l'article immédiatement après sa publication et d'apporter des éléments supplémentaires, entraînant même la réponse des auteurs ! Le tout disponible en ligne en accès libre, de quoi éclairer aussi la lecture d'un profane qui aurait voulu en savoir plus sur un article repris en masse par la presse grand public, pas souvent de manière rigoureuse.

Concluons ce billet avec quelques remarques plus générales de Ghislaine Chartron (tirées de son article sur "Une économie renouvelée de la communication scientifique") (c'est moi qui souligne) :

Sans bouleverser fondamentalement les processus de communication et de publication scientifique, ces innovations [sociales] ont introduit, pour la publication scientifique (...) une ouverture des cercles d’autorité qui ne peuvent pas ignorer les échanges informels portés par le réseau ; l’autorité désignée (comités scientifiques fermés) doit faire face à  l’agora ouverte des autres chercheurs. Ce dernier point renvoie à  la notion de peer commentary – pour reprendre les termes de S. Harnad – qui s’est développée de façon inégale et de manière souvent informelle ; le peer commentary est perçu majoritairement comme une fonction supplémentaire pouvant améliorer la qualité de l’évaluation, mais ne pouvant en aucune façon se substituer au peer review (Harnad, 1998). Le processus d’évaluation scientifique est resté jusqu’à  présent assez stable dans le cadre du numérique. Certes, au niveau organisationnel, il a bénéficié d’une logistique d’appui plus élaborée (utilisation possible d’un logiciel de workflow), mais aucune évolution plus profonde n’a vraiment pris place. Contrairement à  de nombreuses formes de débat public, la fonction d’évaluation reste attachée à  un travail approfondi, cadré dans une relation de confiance entre des experts et des comités de rédaction. La transposition de cette fonction sur d’autres vecteurs pourrait très bien s’envisager mais il n’en est rien pour le moment, la revue restant le repère structurant de la publication scientifique, même dans les champs les plus innovants en termes de communication numérique. Toutefois, il faut signaler l’ouverture très récente (juin 2006) du service PloSOne qui vise à  introduire des débats plus ouverts pour l’évaluation des articles des revues de cet éditeur, articles qui sont déjà  en accès libre par ailleurs. L’évolution est peut-être en marche ?

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Le premier barreau de l'échelle qui grimpe vers les sommets de la science

Bien qu'il est facile de promouvoir partout que l'accès libre aux résultats de la recherche profite à  tous, le grand public a souvent des difficultés à  "rentrer" dans un article scientifique. On peut considérer que c'est aussi le cas des scientifiques étrangers au domaine, ou qui s'en sont éloignés depuis longtemps etc.

Or la revue Public Library of Science Biology (évidemment en accès libre) propose une solution intelligente en accompagnant tous ses articles de recherche, techniques et ardus, de "synopsis" écrits par des écrivains scientifiques. Ainsi, cet article sur la signalisation du stress chez les diatomées (algues unicellulaires) s'accompagne de son synopsis, au même titre que cet article sur la manière dont nous apprenons des mouvements de notre corps et intégrons les informations spatiales et motrices correspondantes.

Ce petit pas, plus méthodologique que technique, pourrait se révéler plus important qu'il n'en a l'air. Comme le ridicule premier barreau de l'échelle sans lequel on ne peut monter tout en haut, il permet véritablement à  tous de grimper vers les sommets de la science en marche...

N.B. Les articles pris en exemple ici ne l'ont pas été par hasard, les personnes à  qui ce clin d'oeil s'adresse se reconnaîtront !! ;-)

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Accès libre aux résultats de la recherche : des articles scientifiques pour tous !

Le modèle de publication dit de l'open access, ou accès libre aux résultats de la recherche, fait passer la charge du financement des lecteurs aux auteurs. Ainsi, ce qui ne change pas grand chose pour les organismes de recherche (les dépenses sont juste transférées du poste de la bibliothèque à  celui des équipes de recherche), représente un bond en avant pour l'accès à  l'information scientifique : désormais, une part grandissante de la littérature scientifique peut être lue sans contraintes, partagée, traduite, réimprimée, reprise etc. grâce à  des licences très souples type Creative Commons. Une utopie dont Gutenberg et Paul Otlet n'auraient même pas osé rêver !!

Ainsi, Lionel Suz, médecin à  la Réunion et dont le blog s'étend longuement sur l'épidémie de Chikungunya, a pu — sans être chercheur et avoir accès à  une bibliothèque universitaire — rendre compte d'un récent article paru dans Public Library of Science Biology sur le séquençage de différentes souches du virus chikungunya isolés dans l'Océan Indien. Et c'est ainsi que de proche en proche, par relais et traductions interposées, d'Internet aux disques durs et supports CD, le contenu d'articles scientifiques primaires peut se disséminer... La même revue PLoS Biology rapporte d'autres exemples, comme cet article scientifique ayant reçu une couverture médiatique importante (Time magazine, Die Zeit, Al-Jazeera) et téléchargé des dizaines de milliers de fois. Bien plus que le lectorat habituel d'un article scientifique ! Ou encore, cet article paru en anglais et qui a pu être traduit en espagnol pour être publié dans un magazine argentin sur l'environnement !

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