La science, la cité

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Histoire de blogs : les débats bioéthiques

Ce mois-ci dans ma chronique blogs sur la Radio suisse romande, les questions de bioéthique.

La bioéthique fait l'objet de débats car elle ne s'arrête pas à  ce que dit ou fait la science mais l'interroge. Elle confronte les points de vue, chacun pouvant apporter sa pierre à  l'édifice en fonction de son vécu, ses convictions ou sa religion, et fournit un échange permettant d'aller au fond des choses et au-delà  des apparences. Le but final ? Construire un monde dans lequel nous pouvons tous vivre ! C'est notamment pour toutes ces raisons que la France a lancé récemment les états généraux de la bioéthique, prélude à  la révision d'ici 2011 de sa loi de bioéthique datant de 2004 et déjà  dépassée.

Cette réflexion sur la bioéthique est vaste est vaste mais on en trouve quelques éléments sur les blogs. Regardons d'abord du côté du blog créé par la Conférence des évêques de France (une grande première !), qui devrait couvrir à  terme tous les thèmes des états généraux, des recherches sur l'embryon à  la maternité pour autrui en passant par le diagnostic prénatal et l'assistance médicale à  la procréation. C'est un blog très vivant, avec de longs commentaires auxquel les auteurs du blog prennent la peine de répondre. Exemple, ce billet sur la maternité pour autrui écrit par le doyen de la faculté de théologie de Lyon, également membre du Comité consultatif national d'éthique. Xavier Lacroix s'y oppose à  l'assistance médicale à  la procréation pour les personnes célibataires et les couples homosexuels, ainsi qu'aux mères porteuses, soit une opinion très tranchée et nettement argumentée. Mais les commentaires n'offrent pas moins une belle palette d'opinions variées et de témoignages, entre le chercheur qui raconte les premiers stades du zygote mû par un "souffle de vie", le citoyen qui se penche sur la notion de "famille" ou deux jeunes femmes qui racontent leur impossibilité physique de porter un enfant à  terme mais se divisent sur le recours à  la gestation pour autrui ou non.

La réflexion bioéthique ne connaît pas de frontières et les blogueurs expatriés, comme Tom Roud qui est aux Etats-Unis, peuvent nous éclairer sur nos débats nationaux. Ce mois-ci, il commentait la décision de Barack Obama d'autoriser à  nouveau la recherche sur les cellules souches en ressortant le discours de Bush de 2001 qui avait mis ces recherches entre parenthèses ! Sa conclusion, c'est que la conclusion que la doctrine Bush s'appuyait à  la fois sur une argumentation politicienne habile et sur une foi religieuse assumée et revendiquée. Dans les commentaires, la discussion tourne essentiellement autour du statut de l'embryon : être humain, être en puissance ou simple forme biologique vivante. Nuances absentes du discours de Bush, qui profite de certaines approximations pour construire son argumentation.

Et puis je voudrais mentionner pour finir le blog de Samia Hurst, médecin et bioéthicienne, qui travaille à  l'Institut d'éthique biomédicale de Genève. Elle y publie abondamment sur de nombreux sujets, depuis les récentes déclarations du pape sur le préservatif en Afrique jusqu'à  la situation du don d'organe en Suisse. Par rapport à  ses voisins, celle-ci connaît une pénurie d'organes nettement plus importante. Dans le détail, elle s'en sort mieux pour les dons de son vivant (par exemple un rein à  un proche) que pour les dons posthumes, la faute à  une campagne d'information du public peut-être un peu trop molle et à  l'organisation de la profession insuffisamment volontariste

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Histoire de blogs : version suisse

Parce que je viens de déménager à  Edimbourg, l'idée pour cette chronique était de parler un peu en détail de la blogosphère scientifique suisse. L'esprit de contradiction sans doute ;-)

On peut commencer avec quelques têtes d'affiche qui font honneur aux blogs de science suisses. Dr Goulu me laisse bouche bée : ingénieur en informatique de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, docteur en automatique de l'EPFL, il s'intéresse aussi à  l'astronomie, les casse-têtes mathématiques, la physique etc. Les auditeurs s'en souviennent peut-être, j'avais parlé de lui à  propos d'un débat sur les énergies renouvelables et notamment la comparaison entre l'éolien et l'hydraulique. Dr Goulu se pose des questions comme nous tous mais lui n'hésite pas à  faire un calcul sur un coin de table ou à  écrire quelques lignes de programme informatique pour trouver un début de réponse. Bref, son blog (ou plutôt ses blogs, car Dr Goulu essaime sur la toile) est une vraie mine d'informations.

Benjamin Bradu fait sa thèse au CERN de Genève, où il travaille sur les systèmes de refroidissement des accélérateurs de particules comme le LHC (ce que l'on nomme la cryogénie). Ca le place en première ligne pour parler de l'accident qui a stoppé net le LHC et a endommagé le circuit de refroidissement, parmi de nombreux autres sujets de physique abordés sur son blog.

Fabrice Gabarrot vient tout juste de décrocher sa thèse de doctorat après plusieurs années passées au laboratoire de psychologie sociale de l'université de Genève. La psychologie sociale, c'est la discipline qui étudie le comportement d'un individu en interaction avec d'autres personnes. Sur son blog intitulé "Panopticon", Fabrice suit l'actualité de la discipline, informe de ses derniers travaux et donne par exemple son avis sur le mérite comparé des recherches en neurosciences considérées comme "dures" et des recherches en neurosciences sociales considérées comme plus "molles" !

Pablo Achard est rentré récemment des Etats-Unis pour occuper un poste de chargé de mission au Centre des sciences affectives situé à  Genève. Du coup, il s'intéresse à  la façon dont la crise financière actuelle secoue les universités américaines et dont le modèle américain sert de prétexte aux réformes en cours en France. Et puis comme son parcours professionnel a pris un tournant nouveau à  son retour en Europe, il parle également des carrières scientifiques alternatives. Bref, des sujets assez politiques mais avec un vrai point de vue et une volonté de faire avancer le débat !

Mais l'administration suisse se met aussi au blog, notamment l'Office vétérinaire fédéral depuis mars 2008. Bilingue Français-Allemand, il doit permettre de "communiquer ses opinions et ses réflexions d'une manière plus directe et susciter la discussion dans le public". La mission pourrait presque être remplie, comme le montre ce billet annonçant la disparition au 1er janvier dernier des contrôles vétérinaires entre la Suisse et ses voisins européens. On y trouve quelques commentaires, se demandant par exemple de ce qu'il advient des importations de boeuf aux hormones en Suisse ; malheureusement, les autorités ne prennent pas la peine de répondre et la discussion s'arrête très vite. On peut donc regretter que dans cette expérience, le blog soit considéré comme un espace de diffusion et non une plateforme de discussion, dont j'essaye pourtant de montrer l'intérêt au fil de mes chroniques.

Enfin, pour les jeunes lecteurs et auditeurs qui prévoient d'entrer à  l'EPFL ou l'ETH Zà¼rich, qu'ils sachent que ces institutions ont mis en place chacune une plateforme de blogs. Ceux-ci sont utilisés aussi bien par les chercheurs que les étudiants, les enseignants ou les administrateurs de l'université, et la langue choisie pour blogueur dépend souvent de la catégorie à  laquelle on appartient. Il est intéressant de noter que ces plateformes ont autant une fonction de communication interne que d'affichage externe, tout le contenu produit étant explicitement rattaché à  l'université.

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Histoire de blogs : la reprogrammation des cellules souches

Je vous promets des nouvelles d'Ecosse prochainement mais en attendant, et en profitant d'une connexion Internet gracieusement fournie par l'université d'Edimbourg par l'intermédiaire de François, voici l'actualité me concernant : l'article "Comment le Web révolutionne la recherche" paru dans le numéro de février offre une très bonne introduction à  la science 2.0 avec quelques mentions du C@fé des sciences et une interview de votre serviteur. Quant à  ma chronique de janvier sur la Radio suisse romande, la voici maintenant

Ces dernières semaines, on trouvait sur les blogs des discussions intéressantes portant sur les différents styles scientifiques, notamment en biologie : théoriciens et expérimentateurs s'opposaient chez Pablo Achard, fondamentalistes et utilitaristes s'opposaient chez Tom Roud et chez OldCola.

Concernant cette deuxième distinction, de quoi s'agit-il exactement ? Tom Roud nous apprend d'abord que les cellules souches reprogrammées, ou iPS, ont été désignées par la revue scientifique Science comme la découverte de l'année 2008. Cette méthode consiste à  introduire dans le génome des cellules un cocktail de gènes pour les œreprogrammer et les faire revenir à  l'état œinitial de toutes les cellules, celui de cellule souche, tout en se passant des embryons qui sont controversés des points de vue politique et éthique. Tom connaît bien ce sujet, très proche de ses travaux de recherche, et il a beaucoup blogué dessus les mois précédents, c'est-à -dire véritablement sur de la science en train de se faire.

Mais la vraie question ici, porte sur ce qui se joue autour des cellules souches iPS. En commentant l'interview de deux chercheurs proposée à  cette occasion par la revue Science, Tom Roud raconte qu'il voit quelque chose d'intéressant : Shinya Yamanaka, le chercheur japonais à  l'origine des iPS, essaierait de faire de la science avant tout, là  où George Daley, l'Américain aurait une approche beaucoup plus médicale et technologique. Ainsi, Yamanaka se pose des questions sur ce mécanisme de reprogrammation que l'on ne comprend pas du tout, alors que Daley et la recherche américaine sur les cellules souches préfèrent envisager toutes les applications des iPS et comment on pourra soigner des maladies dégénératives en reprogrammant des cellules pour reconstituer un organe abimé ou déficient.

C'est cette distinction entre chercheurs fondamentalistes et utilitaristes que conteste OldCola ; il avance, arguments à  l'appui, que Yamanaka s'intéresse autant aux applications médicales que George Daley et que ce dernier se penche aussi sur les mécanismes des iPS, non pas seulement pour la Gloire et la Science, mais aussi pour améliorer la technique et la rendre praticable pour la thérapeutique humaine ; et puisque les deux avancent ensemble, cette distinction entre fondamentalistes et utilitaristes est fausse. Du coup, Tom Roud a complété son premier billet en racontant son expérience du terrain : dans aucune des conférences auxquelles il a assisté, il n'a entendu George Daley ou des chercheurs américains sur les cellules souches dire ce que Yamanaka dit dans cette video, à  savoir qu'un des défis est de comprendre comment la reprogrammation marche vraiment ; il conclut en expliquant que selon lui, ce n'est pas un hasard si la technologie iPS n'a pas été inventée aux Etats-Unis : en effet, elle est le fruit d'un long travail d'exploration et de tâtonnement, plus proche de la recherche fondamentale que de la recherche biomédicale.

En conclusion, on a là  une discussion intéressante, autour de deux avis tranchés qu'il est difficile de départager. Surtout, comme cette conversation entre chercheurs se fait au grand jour, les blogs donnent à  chaque internaute la possibilité d'entrevoir les coulisses de la recherche scientifique et de s'interroger sur ses enjeux, qui sont le plus souvent passés sous silence.

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Le C@fé des sciences fête ses 2 ans et s'agrandit

Avec un peu de retard, le C@fé des sciences fête son deuxième anniversaire et accueille, en cette nouvelle année, de nouveaux blogueurs.

A tout seigneur tout honneur, la deuxième femme à  rejoindre le C@fé des sciences se nomme Pascale et son blog s'intitule joliment "Le monde et nous". Elle nous avait contactés en septembre dernier, elle a bien fait. Pascale est ingénieur de formation et de métier et elle nous offre régulièrement, quand sa petite famille lui en laisse le temps, des billets de vulgarisation sur des sujets comme le feu, les acides gras trans ou le vert des légumes.

Le blog de Fulmar, "Ecologo gogo", est sans doute plus connu des habitués du C@fé, notamment en raison de ses échanges avec Timothée autour de la gestion des ressources maritimes ou de l'enseignement du créationnisme. Son blog est à  la fois informé et engagé, il apporte une nouvelle pierre à  l'édifice du C@fé des sciences et je ne doute pas qu'il deviendra une de vos lectures indispensables — mais pourrait-il en être autrement de quelqu'un qui a placé Ni Dieu ni gène dans sa liste de lecture !

Laurent Chicoineau blogue sous les bons auspices de Bruno Latour à  qui il emprunte le titre de son blog, "Making science public". On y retrouve des analyses et commentaires sur les multiples facettes de la publicisation des sciences et des nouvelles technologies depuis Grenoble, où Laurent dirige le CCSTI "La Casemate" et enseigne depuis peu au Master de communication scientifique et technique de l'Université Stendhal. Son arrivée chez nous referme une boucle ouverte quand François/Phnk, membre depuis toujours du C@fé des sciences, visitait la Casemate à  7 ans en tant que Grenoblois pour faire du dentifrice et du savon dans leurs ateliers !

Enfin, pour clôturer cette belle fournée, nous accueillons Pablo qui fut un lecteur assidû du C@fé des sciences avant de devenir blogueur. Il a largement mérité sa place par sa pertinence et sa forte participation à  notre communauté (il a même rencontré certains d'entre nous en chair et en os à  Genève !) et sa nouvelle fonction en dehors des laboratoires mais au cœur du système universitaire ne font que rajouter un intérêt supplémentaire à  un blog qui vaut largement le détour !

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Histoire de blogs : l'émergence de l'humanité

Ma chronique radio de décembre est dédiée à  Tom Roud, qui se demandait si la science doit être rentable. En effet, j'aborde pour une fois une question scientifique très fondamentale (dont je sais qu'elle lui plaira), bien éloignée de mes précédentes histoires sur le LHC, le scandale de la mélamine ou la rentabilité des éoliennes. Ceci pour montrer que les blogs abordent tout aussi souvent des questions plus fondamentales, qui n'attirent pas moins de commentaires. Je pense notamment ces dernières semaines à  des conversations autour de la physique quantique ou des notions de vérité et de réalité (si si !).

Mais c'est d'un autre exemple que je voudrais parler, tiré du blog de Jean Zin. Jean Zin est un libre penseur, fameux pour ses ouvrages de philosophie et à  plusieurs titres ” ce qui lui assure un lectorat nombreux et régulier, qui n'hésite pas à  laisser des commentaires. Dans un billet récent, il se livrait à  un longue réflexion sur l'émergence de l'humanité ("Qui sommes nous ? D'où venons-nous ?"), inspirée par un livre du paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin. La discussion tourne essentiellement autour du paléolithique, dont on se fait l'image d'un âge d'or où l'Homme, vit en harmonie avec son environnement, du produit de sa chasse et de la cueillette. Mais en fait, il s'avère qu'Homo sapiens a toujours été violent et a exercé une énorme pression sur son environnement et sur les ressources alimentaires, conduisant finalement à  la disparition de l'Homme de Néandertal.

Voici en fait comment Jean Zin résume les grandes étapes de l'hominisation :

  • le singe se redresse et sa main se libère, ce qui ouvrira le champ des possibles comme la fabrication d'outils
  • notre ancêtre n'a plus besoin de ses poils pour se protéger du soleil (ses cheveux lui suffisent) : il perd ses poils, ce qui lui permet de mieux se rafraîchir, donc d'éviter d'haleter et favorise l'utilisation de la bouche pour communiquer
  • le cerveau se développe, et notre alimentation s'enrichit en viande pour pouvoir lui apporter l'énergie nécessaire
  • notre ancêtre commence à  enterrer ses morts
  • la taille de la population se réduit, pour une raison inconnue, puisque 15.000 individus vivant il y a 50.000 ans suffisent à  expliquer la diversité génétique actuelle
  • après l'anatomie, c'est la société qui se modernise : débuts de l'art, des religions et mythes chamaniques, du langage narratif
  • enfin, avec la révolution néolithique, nos ancêtres domestiquent le chien, se sédentarisent et ouvrent la voie à  l'émergence des grandes civilisations.

A partir de ce billet, les lecteurs vont réagir. Un lecteur demande quel rôle ont joué les drogues dans cette histoire : pour Jean Zin c'est évident, il n'y a pas de société humaine sans drogues. Un lecteur approuve l'idée qu'avec l'apparition de l'agriculture, la qualité des aliments (surtout des céréales) a nettement diminué. Un autre estime qu'un vieil héritage biblique nous fait privilégier à  tort une origine unique à  l'humanité. Un troisième se demande si l'on n'est pas passé d'un extrême à  l'autre et si, finalement, ce n'est pas notre société moderne qui nous fait voir notre ancêtre comme très violent ; selon lui, quand des groupes se rencontrent, ils sont d'abord intéressés par les échanges sociaux et c'est bien ce qui a dû arriver dans la cohabitation avec l'Homme de Néandertal.

Jean Zin répond qu'en effet, les paléontologues sont souvent aveuglés par des croyances ou le politiquement correct, comme cet autre tellement laïque qu'il refusait de reconnaître que les hommes préhistoriques puissent avoir une religion. Par contre, le débat continue, de nombreuses questions restent ouvertes : y a-t-il eu métissage entre l'Homme de Néandertal et celui de Cro-Magnon ? Y'a-t-il eu un seul ou plusieurs foyers d'apparition de l'Homme moderne ? Il faut rassembler plus de pièces du puzzle pour pouvoir y répondre.

On le voit, les blogs permettent vraiment d'aborder tous les sujets scientifiques, même fondamentaux, et d'en discuter avec la Terre entière Par contre, je préfère vous prévenir ; les conversations familiales à  Noà«l risquent de ne pas être toutes de ce niveau-là  !

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