La science, la cité

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Media Doctor

Pour lutter contre le disease mongering évoqué précédemment, des universitaires et cliniciens du Newcastle Institute of Public Health ont lancé une vigie Internet sur la qualité des informations médicales : Media Doctor Australia. Décortiquant la presse quotidienne, ils notent chaque article selon les critères de nouveauté, de justification de ce qui est avancé, de quantification des bienfaits du médicament et de ses méfaits, des sources d'information, de l'angle d'attaque etc. et justifient leurs notes par un bref commentaire.

Par exemple, un article de ninemsn.com, relatant une étude américaine montrant qu'un médicament contre l'ostéoporose peut être utilisé avec peu d'effets secondaires pour réduire les risques de cancer du sein, est passé à  la moulinette et reçoit une note de 3/5. Commentaires : le journaliste reste dans une perspective américaine et omet d'adapter le résultat de l'étude au contexte australien, en mentionnant par exemple un médicament qui n'est pas enregistré en Australie. D'autre part, le journaliste donne les effets secondaires de manière relative et non absolue.

Un graphique permet de visualiser la tendance générale ou par journal et voir s'il y a un progrès ou non !!

Excellent site qui prouve que le problème est pris au sérieux par les experts et qu'Internet peut être utilisé comme moyen de communication et de mise en garde. Evidemment, on peut regretter la couverture 100% australienne ; des équivalents existent cependant au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Canada. Il ne manque qu'un équivalent en français, des candidats pour se lancer ?

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Les journalistes, entre big pharma et patients

Alors que la concurrence fait rage entre les entreprise pharmaceutiques et que les patients sont de plus en plus informés et n'hésitent plus à  suggérer à  leur médecin tel traitement ou tel diagnostic, les journalistes scientifiques ont une responsabilité accrue. Entre le marketing acharné des big pharma et la rigueur scientifique, ils peuvent parfois pencher dans un sens qui va suggérer au lecteur qu'il est atteint de la maladie décrite ou que son salut réside dans le nouveau traitement présenté. Il s'agit de ce que l'on nomme le disease mongering, défini comme le fait de "vendre une maladie dans le but de vendre des médicaments". Des exemples de maladies ou affections qui ont été ainsi vendues ? Les problèmes d'érection masculine, l'anxiété sociale, l'alopécie ou le syndrome du côlon irritable. Des maladies qui existent bel et bien mais présentent l'avantage marketing d'être difficiles à  définir et quantifier, sont plutôt chroniques et peuvent être une conséquence naturelle du vieillissement ou de la variabilité humaine. Sans parler du cholestérol, simple facteur de risque, présenté comme une maladie en soi.

Le numéro d'avril 2006 de la revue PLoS Medicine a été entièrement consacré à  cette question. Une étude s'intéresse notamment à  33 articles de journaux sur le syndrome des jambes sans repos (restless leg syndrome). Ces articles ont été écrits après une campagne de communication fracassante (plusieurs millions de dollars) de GlaxoSmithKline pour vendre sa molécule ropinirole (Requip®), présentée comme le premier et unique traitement contre ce syndrome. Les auteurs de l'étude rapportent que les journalistes exagèrent les bénéfices du traitement, exagèrent la gravité du symptôme (en mentionnant par exemple que c'est un facteur de suicide) et restituent l'information sur la forte prévalence de la maladie dans la population, sans analyser dans le détail les preuves de ces affirmations (alors que les critiques existent). Il leur manquerait donc une bonne dose de doute systématique scientifique.

Comme le fait remarquer Mark Taubert dans son courrier au New Scientist du 6 mai 2006, le dicton médical "Ne fais pas le mal" pourrait aussi bien, et avec une grande pertinence, s'appliquer aux journalistes. Surtout, l'article paru dans PLoS Medicine donne quelques règles simples aux journalistes pour éviter de tomber dans le panneau du disease mongering et remplir leur rôle : informer les lecteurs et non pas les rendre malades...

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En première ligne de la chikungunya

Lionel Suz, médecin, habite à  l'île de la Réunion et est un blogueur invétéré depuis 2002. De ce fait, dès le 9 octobre 2005 il bloguait sur la chikungunya en rassemblant le maximum d'informations dont il disposait. Depuis, c'est à  un vrai travail de fond qu'il s'est livré et il met à  mal certaines "vérités" qui ont été assénées par les médias, les experts et les hommes politiques. Il a l'humilité de reconnaître que les médecins étaient peu préparées à  cette épidémie mais montre que même un généraliste peu accéder à  des sources d'information de première main (littérature scientifique et médicale) — nos experts et conseillers nationaux n'ont donc aucune excuse...

Parmi les erreurs qu'il dénonce :

Nombre de ses textes ont été repris tels quels par Wikipédia et des portails d'information réunionnais. Enfin, il met également à  disposition un excellent article de synthèse... Après tout ça, vous devriez répondre sans problème à  son quizz chikungunya !

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OGM et santé, de la psychose aux faits

Le Monde nous apprend que le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés a été rendu public aujourd'hui. Le journaliste Hervé Kempf écrit notamment ceci :

Dans son état actuel, le [projet de loi] laisse donc entendre que [les analyses toxicologiques menées sur les animaux] pourraient être confidentielles. Or, certaines d'entre elles, rendues publiques grâce à  un arrêt de la justice allemande, semblent indiquer que des OGM soulèvent des problèmes biologiques chez les rats. (c'est moi qui souligne)

Que retient-on de la dernière phrase mise en gras ? Que les OGM sont dangereux pour la santé. Mais quel fait y apprend-on ? Strictement rien ! Les OGM soulèvent des problèmes sur les rats, bien. Mais quel type d'OGM ? Quel genre de problèmes ? Réversibles ou non ? A partir de quelle dose et fréquence d'ingestion ? Sous quelle forme d'ingestion ? Plus encore, est-ce que ces problèmes sont liés à  leur nature même d'OGM ?

Lorsque l'information est si lacunaire, est-ce vraiment de l'information ? Est-ce que cela n'alimente pas plutôt certaines psychoses sans verser de l'eau au moulin des faits et faire preuve de pédagogie ?

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L'affaire du Galecron

Revenons un instant sur la polémique qui a secoué le village suisse de Monthey l'été dernier. Tout a commencé lorsque L'Hebdo du 12 mai, avec le titre fracassant "Les morts suspects de la chimie", rapporta les soupçons de l'urologue Henri Bitschin : celui-ci constatait une "fréquence tout à  fait anormale" des cancers de la vessie parmi sa patientèle, 80% des cas étant des anciens salariés de Ciba-Geigy à  Monthey. Dans cette usine, dans les années 1970 et 1980, était fabriqué le Galecron, insecticide dont la toxicité humaine a été plusieurs fois prouvée.

A la suite de L'Hebdo, d'autres organes de presse ont repris l'information en Suisse, en présentant les choses de manières souvent moins "choc". Ainsi, la Radio suisse-romande notait :

"Je suis convaincu que ce nombre est supérieur à  celui d'autres bassins de population similaires", a confirmé le docteur Bitschin. En revanche ce dernier précise qu'il ne s'agit que d'une conviction personnelle qui ne se base sur aucune statistique. "Je ne peux pas non plus affirmer que tous les cas soient liés à  la Ciba", a-t-il ajouté. (...) De son côté le médecin cantonal valaisan Georges Dupuis se veut plutôt rassurant. Les statistiques fournies par le Registre cantonal des tumeurs ne font pas état d'un nombre plus élevé de cas de cancers de la vessie dans le Bas-Valais.

En France, l'information a eu peu d'échos (rien dans les grands quotidiens nationaux à  ma connaissance) et a circulé uniquement dans les milieux écologiques, agricoles et économiques. Ainsi, le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF) a diffusé sur sa liste de diffusion une copie d'un article de la Télévision suisse-romande (TSR), affirmant notamment :

Un urologue de Bex, dans le canton de Vaud, estime avoir détecté une trentaine de cas suspects en vingt ans. Le géant de l'industrie chimique [Ciba-Geigy devenu Syngenta] doute de ces chiffres.

Bref, tout n'était que soupçons non étayés par des faits. Depuis, justement, l'enquête a avancé et les faits ont été examinés. Les médias suisses ont ainsi rapporté récemment — en entrefilets — que le médecin cantonal Georges Dupuis, en se fondant sur les statistiques du Registre, a trouvé que "les cancers de la vessie ne sont pas plus fréquents en Valais que dans le reste de la Suisse. Dans le canton, il n'y a pas non plus de différences significatives entre les trois régions. Mais nous avons recensé trop peu de cas pour voir un écart entre les districts" (24 Heures du 18 novembre 2005).

Or, de cette contre-expertise qui met à  mal l'accusation du Dr. Bitschin, le MDRGF ne s'est pas fait écho. Ainsi, un militant de cette association reste sur l'idée que des cas de cancer de la vessie ont été causés en Suisse par le Galecron, fabriqué par Ciba-Geigy, aujourd'hui Syngenta. Vous avez dit information partiale ?

Les enquêtes menées en parallèle par Syngenta et le syndicat de travailleurs Unia suivent leurs cours, je vous tiendrai au courant...

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