La science, la cité

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Mot-clé : vulgarisation

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Colloque Pari d'avenir 2008 : live blogging sur trois jours !

Comme chaque année en marge du festival de science Paris-Montagne se tiendra dès demain le colloque Pari d'avenir à  l'Ecole normale supérieure. Avec un thème très ambitieux : réfléchir à  l’opportunité d’un Manifeste pour une révision des objectifs et des pratiques de la culture scientifique, faisant la part belle à  toutes les initiatives dont je tente de me faire l'écho sur ce blog : montrer la science chaude, réenchanter la science par la sociologie etc. Je vais m'efforcer de bloguer ce colloque en direct, rejoint peut-être par d'autres participants, dans la chat room de Scribblelive reprise ci-dessous :

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Comment montrer la "science en train de se faire" ?

Ce qui suit est le résultat d’une réflexion en cours, que j’aimerais conduire jusqu’à  la publication d’un article. A commenter et discuter sans limites, donc !

Histoire d’un concept

L’histoire et la philosophie des sciences se sont toujours intéressés à  la “science déjà  faite”, c’est-à -dire la science comme corps de connaissances et succession de paradigmes, plutôt qu’à  la “science en train de se faire”. A la fin des années 1980, celle-ci est soudainement mise en lumière par la sociologie des réseaux sociotechniques, appuyée notamment sur une anthropologie du laboratoire. Dans l’un des premiers manifestes de ce mouvement, le livre de Bruno Latour intitulé justement La Science en action (édition originale en anglais parue en 1987), on se souvient que l’auteur utilise la métaphore des deux faces de Janus : la “science en train de se faire” est la face de droite (vivante, incertaine, informelle et changeante) tandis que la “science toute faite” ou la “science prêt-à -porter” est la face de gauche (austère, sûre d’elle-même, formaliste et réglée). Et, rajoute Bruno Latour, il n’y a rien dans la science faite qui n’ait été un jour dans la science incertaine et vivante[1]. Passer de l’un à  l’autre implique juste de réanimer, réagiter, réchauffer, rouvrir les faits gravés dans le marbre de la connaissance scientifique. C’est ainsi que l’on obtient un récit moins lisse, où l’activité scientifique résulte d’un processus de construction aussi bien social que technique, où les scientifiques sont plongés dans des controverses, où ils fonctionnent en collectif et doivent composer avec des instruments et des objets techniques qui échappent aux scripts imaginés par leurs concepteurs et dont les variations redessinent, à  leur tour, de nouvelles connexions[2].

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Cette science chaude...

Maintenant que vous en savez plus sur Laurent Nottale et sa théorie de la relativité d'échelle, continuons notre raisonnement.

On nous a raconté que les travaux de Garrett Lisi, parce qu'ils prédisaient de nouvelles particules et ne pouvaient s'ajuster avec des hypothèses ad hoc, seraient facilement réfutables. C'est également le cas de la théorie de Nottale, qui prédit, à  partir d'une équation de Schrà¶dinger généralisée, des pics de probabilité des distances des planètes à  leur soleil. Mais la science n'est pas la démarche hypothético-déductive que raconte Popper : ces prédictions n'ont été ni confirmées ni réfutées, elles ont jusqu'ici été simplement ignorées par les autres astronomes, cosmologistes et astrophysiciens… En attendant, ces deux théories sont donc ni vraies ni fausses… et c'est comme cela aussi que la science fonctionne ! A l'opposé de la science froide entreposée dans les manuels (que nos amis anglo-saxons appellent textbook science), celle-ci admet qu'elle ne sait pas (encore) tout. Or comme l'explique la sociologue Claire Marris à  propos des OGM,

lorsqu'ils communiquent les résultats de leurs recherches, les scientifiques, afin d'intéresser leurs interlocuteurs, ont tendance à  insister sur le noyau de certitude. Malheureusement, ces connaissances comportent des incertitudes reconnues dans leur discipline se durcissent souvent en certitudes absolues quand elles passent dans des champs scientifiques voisins, et encore plus quand elles passent chez les politiques ou les industriels.

Selon que l'on montre la science froide ou la science chaude, les débats publics ou les interrogations sur l'expertise en seront changés. Pareil pour les controverses : les biocarburants sont-ils une solution bonne ou mauvaise ? Bonne disent certains (s'appuyant sur les chiffres de la demande en énergie des pays en voie de développement et sur les progrès de la technique), mauvaise disent d'autres (s'appuyant sur le bilan énergétique total de la filière ou sur son impact sur l'effet de serre). Parmi ces derniers on trouve Paul Crutzen, qui nous fait le bonheur de publier dans des revues à  accès libre et ouverte aux commentaires. Guidés par le journaliste du Monde, nous voilà  donc embarqués dans des joutes autour du cycle de vie exact des biocarburants et le calcul des émissions de protoxyde d'azote. Au lieu d'une coupure franche entre deux partis, irréconciliables et entre lesquels il faudrait choisir, nous découvrons une discussion à  méandres et dont même les présupposés peuvent être remis en question.

Et quand des experts se retrouvent autour d'une table, franchissant certaines frontières pour se retrouver dans un espace fait de vérités mixtes, indissociables des contextes scientifiques et politiques, ils construisent également une science chaude qui n'est ni celle des laboratoires, ni celle des manuels scolaires.

Déchet radioactif... fondu ©© INTVGene

La science chaude, c'est aussi la science qui hésite ou qui fait fausse route. Il ne s'agit plus seulement de la science triomphante, toutes ces découvertes que tous les mois les chercheurs font et que la vulgarisation traditionnelle essaye d'illustrer au mieux (comme le dit Françoise Pétry à  propos de la revue Pour la science qu'elle dirige). Exemple : le magazine La Recherche publiait en septembre 2007 l'interview d'un chercheur français qui critiquait une publication, qu'il avait pourtant co-signée, rapportant la première détection convaincante de vapeur d'eau dans l'atmosphère d'une planète extrasolaire. Etonnant. Cette posture a été critiquée par le courrier d'un lecteur dans le numéro de janvier, qui remettait la controverse dans le contexte et rappelait les conditions de production des résultats scientifiques : il aurait suffi qu'un seul des signataires fasse part de ses doutes au journal Nature pour que l'article ne paraisse pas, il y aurait gagné beaucoup en visibilité scientifique, Nature est un journal avec un fort facteur d'impact, et le prestige qu'il confère à  ses auteurs peut altérer le jugement de certains scientifiques.

Cette science chaude est là  dans les laboratoires et nous voulons la voir plus en sortir. Notamment parce que nous, citoyens, sommes embarqués avec les chercheurs dans leurs expérimentations et ne restons pas, à  l'extérieur, à  attendre que les faits se figent et que le chaud se refroidisse. "Science chaude" n'est peut-être d'ailleurs qu'un synonyme de "recherche"… Certes, les chercheurs sont hésitants à  opérer ainsi dans l'espace public et on peut penser qu'ils voient avec crainte l'irruption de la science chaude dans les médias (comme en témoigne également le courrier d'un lecteur réagissant au dossier publié en janvier 2008 par Science et vie sur Garrett Lisi). Pourtant, Bruno Latour nous donne des raisons d'espérer. Selon lui[1], l'idéologie scientifique qui cache les coulisses et offre au public un déroulement théorique sans personnage ni histoire (…) n'est pas celle des savants, mais plutôt celle que les philosophes veulent leur imposer. L'opération scientifique par excellence n'est pas de cacher les conditions de production mais de les mettre à  la place de la représentation que les auteurs cherchent à  montrer. Montrer la science chaude est donc plus conforme à  l'épistémologie naturelle des chercheurs mais aussi plus motivant pour eux[2] : pour les scientifiques une telle entreprise apparaît bien plus vivante, bien plus intéressante, bien plus proche de leur métier et de leur génie particulier que l'empoisonnante et répétitive corvée qui consiste à  frapper le pauvre dêmos indiscipliné avec le gros bâton des "lois impersonnelles".

Notes

[1] Latour B. et P. Fabbri (1977), "La rhétorique de la science : pouvoir et devoir dans un article de science exacte", Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 13, pp. 81-95

[2] Latour B. (2007) [1999], L'espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l'activité scientifique, La Découverte, p. 278

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JoVE et les vidéos de protocoles expérimentaux sur Internet : quel intérêt ?

Depuis quelques mois maintenant, les plateformes de vidéo scientifiques naissent comme des petits pains ! Mais certaines se démarquent parce qu'elles proposent non pas des vidéos de vulgarisation, ou des vidéos d'expériences et leurs résultats, mais des protocoles filmés. La vidéo devient alors un véritable outil de travail et d'apprentissage pour le chercheur.

Parmi ceux-là , JoVE est incontestablement le plus proche du modèle traditionnel de la publication scientifique : évaluation des soumissions avant acceptation, publication régulière et groupée des vidéos (issues), affectation d'un numéro DOI et d'un numéro de volume pour permettre la pérennité des liens et des citations etc. Lui-même se décrit comme an online research journal employing visualization to increase reproducibility and transparency in biological sciences. Lab Action, qui est arrivé après, fait beaucoup moins dans le détail ! Mais est-ce que ces sites sont utiles et après tout, est-ce que l'on a besoin d'avoir des vidéos de protocoles expérimentaux ?

Matias Pasquali, un chercheur en phytopathologie récipiendaire de la bourse Branco Weiss "Society in Science", pense que oui. Il l'explique dans un article récent de EMBO Reports. D'abord, parce que dès l'apparition de la vidéo et du cinéma, les chercheurs s'en sont emparés pour "augmenter" le sens qui leur est le plus utile : la vue. Etienne-Jules Marey et d'autres s'en sont faits un nom. Ensuite, parce que cette pratique se généralise, la vidéo est maintenant un outil commun au labo ou ailleurs : en congrès, en plus des vidéos qui viennent illustrer les conférences, on voit maintenant des chercheurs agrémenter leur poster d’un iPod vidéo ! Au-delà  de l'accessoire, ces avancées permettent aujourd'hui à  plusieurs chercheurs de collaborer à  distance pour un diagnostic ou à  des scientifiques isolés d'apprendre des techniques en live. Mais quel intérêt pour les protocoles en particulier ?

Eh bien, ceux-ci sont souvent difficiles à  communiquer : limite mensongers quand ils sont donnés dans un article, pas assez orientés pratique quand ils sont décrits dans des revues spécialisées, coûteux quand ils nécessitent de visiter un laboratoire. Ainsi, rien ne vaut une bonne vieille vidéo qui permet de voir exactement comment positionner sa boîte de Petri, à  quelle vitesse injecter ou quelle couleur tel mélange doit avoir ! La fameuse revue Wired ne dit pas autre chose

L'auteur va même jusqu'à  suggérer que les protocoles filmés soient systématiquement intégrés à  un article : ainsi, on détecterait plus facilement des fraudes ! Je reste sceptique sur ce point, car je doute de l'intérêt de vidéos pouvant durer plusieurs heures, je doute de l'effet réel sur la détection des fraudes et je doute de la capacité de tous les labos du monde à  se plier à  l'exercice (même équipés d'un "casque-caméra"). Malgré tout, si JoVE et les autres pouvaient avoir du succès, ce serait à  mon avis une excellente nouvelle pour la science ! Ainsi que pour la société si, comme je l'avançais déjà , cela pouvait changer l'image mythique du chercheur pour la remplacer par celle du travailleur inlassable de la preuve. Preuve en est cette vidéo qui montre un chercheur souriant après avoir réussi son expérience, avec ce sous-titre : expression of happiness when experiment works ! Au-delà , bien sûr, de l'impact éducatif éventuel sur le public...

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Comment raconter la science aux enfants

Vous avez déjà  lu Comment ça marche, La vie : une histoire de l'évolution ou Les étranges lunettes de Monsieur Huette ? Dans le monde anglo-saxon, les enfants intéressés par la science liront aussi How things work de David Macaulay ou Horrible Science et Uncle Albert and the Quantum Quest.

Alice Bell est doctorante à  l'Imperial College de Londres et elle a fait de ces histoires son objet d'étude. Avec un point de vue à  la fois éducatif, sociologique et des sciences de la communication, elle décrit ces livres, la manière dont ils interagissent avec leurs jeunes lecteurs et l'image qu'ils donnent de la science. Son blog revenait récemment sur leur structure narrative : traditionnellement, un livre sur la science a une structure "fermée" et suit un fleuve tranquille qui emmène le lecteur du début à  la fin. En espérant qu'il en sache plus à  la fin qu'au début ! Pour Ron Curtis, cela implique un fonctionnement très baconien de la science, qui vient à  bout du réel par l'effort et répond aux questions qu'elle se pose. Mais la science ouvre plus de questions qu'elle n'en ferme (combien de voies de recherche ouvertes à  partir d'une unique découverte ?). Elle fonctionne par un aller-retour constant entre questions et réponses, et improvise en permanence des passerelles (instruments, protocoles, heuristiques etc.) qui la sortent de son cours "naturel". Ainsi, d'autres possibilités narratives doivent exister, qui reflètent bien mieux cette science là . On commence en effet à  les retrouver aujourd'hui en librairie. Par exemple, le livre Pick me up offre une structure que Bell qualifie de "shufflepedia" : elle permet de passer facilement du blog d'un viking (sic) à  une illustration qu'on dirait sortie des années 1950 ou un jeu interactif, chaque concept en entraînant un autre sur un mode toujours différent (humour, interactivité, fantaisie, anachronisme).

Il y a également la possibilité du dialogue socratique, comme dans le livre Why is snot green? de Glenn Murphy.

Et comme précédemment, de nombreux renvois situés dans les notes de bas de page permettent de naviguer à  travers le livre au lieu de le lire en continu du début à  la fin...

Mais si les livres pour enfants ne vous intéressent pas, pensez aux histoires que racontent les médias : la science y est souvent présentée comme une enquête policière. On retrouve le même principe baconien de victoire sur le réel (une question conduit à  une réponse), et de nouvelles formes narratives devraient également se développer pour ce public !

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