La science, la cité

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L'histoire des sciences, une arme dans la bataille du CNRS

En octobre 2007, Bertrand Monthubert, président du mouvement "Sauvons la recherche", lançait cet étrange cri d'alarme sur une liste de diffusion des historiens des sciences :

Nous souhaiterions recueillir des textes, de préférence brefs, de personnalités scientifiques ou littéraires de toutes les époques soulignant l'importance de l'autonomie des savants, et en particulier de ne pas les soumettre à  une vision de leur activité exclusivement à  court terme et finalisée.

Vous aurez saisi le contexte : il s'agissait d'appuyer les revendications du mouvement (contre, je cite, les multiples atteintes portées à  l'autonomie de l'enseignement et la recherche dont sont porteuses la réforme des universités (LRU) et celle du CNRS) par les sages paroles de doctes personnalités historiques. En effet, outre le terrain habituel de l'argumentation logique, les appels à  l'argument d'autorité font toujours leur petit effet dans un débat !

Sur le moment, j'ai surtout perçu l'ironie de cet appel (on refuse la vision à  court terme et finalisée de la recherche mais on ne se prive pas de réutiliser quelques citations hors contexte conformes à  une unique lecture, à  court terme et finalisée). Puis récemment, je suis tombé sur un texte d'avril 2008 signé de Denis Guthleben, du Comité pour l’histoire du CNRS. Consacré à  l'histoire des Instituts nationaux au CNRS, il se réclame d'une remise en perspective, afin d’éclairer le débat que la lettre de mission de Valérie Pécresse à  la présidente du CNRS a fait naître au sein de la communauté scientifique. Objectif louable. Mais on ne peut s'empêcher d'y voir une réponse du berger à  la bergère…

Car à  la lecture, ce texte fait bien passer la pilule de la division du CNRS en institut disciplinaires. On y apprend par exemple qu'au sein du Comité des douze sages créé en 1958 par le Général de Gaulle, le chimiste Charles Sadron proposait déjà  de fédérer les grandes disciplines scientifiques présentes au CNRS (on ne parle pas encore de départements, ni de directions scientifiques puisque celles-ci ne voient le jour qu’en 1966) dans une douzaine d’instituts nationaux, devant fonctionner comme des usines de recherche ; jusqu'à  ce que le Premier ministre Michel Debré s'exprime contre cette proposition. En 1966, la réforme du système de recherche prévoit la possibilité d'instituts nationaux, soutenue par deux membres du Comité des douze sages qui souhaitent regrouper les moyens de gestion (en particulier la construction des gros instruments) en astronomie et en physique nucléaire ; mieux que le CNRS, de tels instituts devraient permettre une planification des besoins de la discipline avec un affichage clair, afin que les directeurs d’organismes et le gouvernement y comprennent quelque chose. Ainsi, l'INAG (astronomie et géophysique) voit le jour en 1967, et l'IN2P3 suit en 1971, avec un peu de retard dû à  la ferme opposition du CEA, portée jusqu’au sein du conseil d’administration du CNRS par le haut-commissaire à  l'énergie atomique Francis Perrin. Ces avatars de la big science des années 1960 vont ensuite évoluer, l'INAG élargissant par exemple en 1985 son champ à  l'ensemble des sciences de l'Univers en devenant l'INSU. En 1975, alors que le CNRS est incité à  investir dans la recherche dans les énergies alternatives, le solaire divise les partisans d'un institut national et les partisans d'un programme interdisciplinaire de recherche (PIR). Les premiers mettent en avant la solidité et la visibilité de la structure, les seconds les avantages de la souplesse. Ils vont l'emporter et le programme interdisciplinaire de recherche pour le développement de l’énergie solaire (PIRDES) ne va pas moins gérer de grands instruments comme le four solaire d’Odeillo. Formule qui sera largement exploitée ensuite, au dépens de celle des instituts nationaux : en 1985, le CNRS compte huit PIR, tandis qu’aucun autre institut national n’a vu le jour. Cette année là , justement, le ministre de la Recherche et de la technologie Hubert Curien fait un discours sur la restructuration du CNRS et affiche sa volonté de passer à  un nouveau mode d’organisation du milieu scientifique. Le ministre ne parle pas d’une organisation en instituts mais de réseaux qui y ressemblent beaucoup : regroupement de laboratoires autour d’une tête de réseau, intégration des grands équipements, gestion plus autonome que celle des départements scientifiques etc. ; le directeur général du CNRS n'est pas contre mais le projet est tué dans l’œuf après les élections législatives de 1986.

Bref, une seule conclusion s'impose après ce survol historique :

La feuille de route de février 2008 s’inscrit ainsi dans le fil d’une réflexion engagée il y a exactement 50 ans et qui, depuis lors, a animé régulièrement l’histoire du CNRS.

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Retour sur le colloque CNRS "Science et société en mutation"

Vous vous souvenez du colloque "Science et société en mutation" organisé par le CNRS l'an dernier : depuis mon compte rendu à  chaud (partie 1, partie 2), les actes ont été publiés et Marcel Jollivet (sociologue) en profite pour revenir sur le déroulement et les enseignements de ce colloque avant tout conçu pour ouvrir le débat. Je retiens plusieurs choses.

La difficulté de situer le débat

Les conférences introductives ont rejeté pour de bon l'expression "science et société" pour la remplacer par l'expression "science en société" imposée par deux visions :

  • le savant fait partie du monde et de son époque et la société, tout comme la République, a besoin des savants d'où la science dans la société, la société soutenue par la science (vision classique)
  • la recherche scientifique est une activité de production de connaissance se situant dans un espace sociétal fondé sur une notion de la connaissance de portée plus générale (vision moderne).

Pourtant, rien n'était moins sûr dans la suite des échanges et aussi tôt chassée, la conception classique d'une science ayant à  faire passer son message dans la société revenait au galop. Aïe aïe…

L'impossibilité d'accepter les présupposés du débat

Si cette conception revenait sans cesse à  la charge, c'est notamment parce que les présupposés du débat étaient encore controversés. Selon les résultats de l'enquête présentée par Daniel Boy, 72% des chercheurs ne considèrent pas qu'il y a une crise entre la science et la société : un quart va même jusqu'à  estimer qu'il y a eu un progrès parce que la société est plus attentive. Pourtant, remarquait Joà«lle le Marec, c'est en postulant implicitement l'existence d'une [telle] crise (…) qu'on mobilise en permanence l'idée qu'il est absolument nécessaire de mieux communiquer, valoriser, vulgariser. Alors, crise ou pas crise ? Se mettre d'accord permettrait enfin d'avancer ensemble ou à  défaut, il faudrait découpler la question des rapports entre sciences et société de celle de la communication, de la vulgarisation, de la valorisation.

La nécessité de balayer devant sa porte

Un intervenant suggéra, peut-être pas si innocemment, que le CNRS serait mieux armé pour se situer dans les rapports sciences-société s'il améliorait la communication en interne entre "sciences dures" et "sciences douces". D'autant plus, ajoutait-il, que nous disposons pour ce faire d'outils scientifiques pertinents. Ainsi, les sciences de la complexité constituent-elles un instrument de dialogue aussi bien entre les scientifiques eux-mêmes qu'entre les scientifiques et les autres pans de la société. C'est en effet l'interdisciplinarité qui peut aider à  confronter dans une même démarche des disciplines qui produisent les connaissances sur les sociétés et (…) celles qui produisent les connaissances sur les phénomènes naturels, afin de ne pas reproduire la fracture entre sciences et société que le monde de la recherche cherche à  réduire… Et le cloisonnement du CNRS en instituts disciplinaires ne semble pas aller dans cette direction.

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Horizon 2020 : 1 objectif parmi les 12 du CNRS

Après un billet qui a été largement enrichi par les commentaires des lecteurs (que je remercie), revoilà  le CNRS qui a publié hier la version 4.2 (encore provisoire mais votée par le Conseil scientifique) de ses objectifs pour 2020.

Evidemment, je m'intéresse surtout au chapitre sur "Le CNRS : acteur dans la société" (pp. 28-33) tandis que d'autres s'intéresseront plus aux engagements pour l'interdisciplinarité, la croissance économique ou les ressources humaines. Qu'y lit-on ?

La thématique « Science et société » a toujours été importante pour le CNRS. Elle prend aujourd’hui une signification nouvelle. Il ne s’agit plus seulement de faire pénétrer la science dans la société, mais de répondre à  la pénétration multiforme de la science par la société. Le CNRS doit se situer dans un contexte mondial marqué par la privatisation de la connaissance et par la demande de participation civile. Dans ce but, il adaptera ses missions traditionnelles de promotion de la culture scientifique et technique, d’expertise et d’évaluation, de diffusion de l’information scientifique et technique, et de communication.

Ouah, on ne nous dit pas comment mais on nous promet déjà  des "adaptations" ! Par contre, rien sur la première mission du CNRS, celle de la production de connaissances, qui n'aurait donc rien à  voir avec la société. Exeunt les boutiques de science et autres programmes PICRI ? Ah non, c'est six paragraphes plus loin :

Enfin le CNRS développera des moyens d’analyse de participation de la société civile à  l’élaboration des politiques de recherche. A l’heure actuelle, la capacité scientifique de l’organisme d’analyse de la participation civile fonctionne pour l’essentiel soit en interne, soit à  la demande des décideurs politiques ou économiques. Elle sera désormais aussi conçue comme une expertise susceptible de soutenir la participation civile à  l’élaboration des politiques de recherche.

Remarquez quand même le vocabulaire que j'ai mis en gras, très très prudent et laissant, je crois, une très faible marge de manœuvre. Mais continuons :

l’organisme valorisera la diffusion des connaissances et les activités de médiation scientifique parmi les chercheurs. L’organisme incitera les chercheurs à  prendre en considération la diffusion des connaissances dans leur stratégie de publication, en valorisant davantage cette activité dans les carrières. La formation des chercheurs et des ingénieurs aux pratiques de médiation scientifique sera assurée.

La vache... Déjà  en 1992, à  la suite de la Loi d'orientation et de programmation de 1982, le rapport Kunth jugeait particulièrement préoccupant que la vulgarisation scientifique ne soit pas prise en compte dans la carrière des chercheurs par les commissions nationales des organismes de recherche (p. 4) ! On finirait donc par y arriver ?...

Attention, le summum :

le CNRS adoptera un autre régime d’échange avec le public. Il est essentiel que le public comprenne la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances, et ne soit plus traité comme un pur récepteur passif.

Alors là , excusez-moi mais je ne vois pas en quoi se faire expliquer la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances rend l'auditeur actif ! Certes c'est une bonne idée, c'est ce que je vais moi-même m'essayer de faire dans quelques semaines au festival Paris-Montagne, en expliquant les mécanismes de l'écrit scientifique, de la publication évaluée par les pairs etc. Mais bon, le public aura entre 9 et 18 ans. Au-delà , franchement, il faut penser de nouvelles pédagogies (je pense par exemple à  ce que pratique la Cité des sciences et de l'industrie en comparaison du Palais de la découverte) mais plus globalement de nouveaux modes d'interaction et d'immersion de la science dans la société ou bien celui qui aura compris la complexité de la science en train de se faire ne pourra pas plus agir !

Puis une idée qui me semble un peu nouvelle et peu être intéressante si elle est bien organisée (mais qui n'est malheureusement pas reprise dans la synthèse des premières pages) :

Le défi pour le CNRS est de devenir capable de mettre aussi son expertise à  la disposition du système social. La relation d’expertise ne doit pas être confondue avec les interactions diverses entre le système économique, le système politique et le système social. Le CNRS ne peut offrir qu’une évaluation cognitive (une expertise scientifique). Mais, s’il veut affirmer sa fonction sociétale, il doit au moins contribuer à  démocratiser l’expertise. Il y a pour le CNRS et pour ses personnels un devoir d’écoute sociale, un devoir d’alerte et de prospective, un devoir de mettre en place l’organisation appropriée à  un tel rapport à  la société.

Par exemple les lanceurs d'alerte pourraient être protégés et institutionnalisés : parfait... Enfin, le petit paragraphe qui fait plaisir (plaisir égoïste, je vous l'accorde) :

Le CNRS favorisera le développement de recherches philosophiques, historiques, sociologiques, économiques, politiques et éthiques sur la science et la technologie. Le succès de telles recherches a trois conditions : que des communautés de spécialistes (philosophes, historiens, sociologues) soient repérées et structurées ; deuxièmement, que les études sur la science soient développées et appropriées par les disciplines scientifiques elles-mêmes ; enfin, que ces réflexions soient nourries par des échanges réels avec le public et les décideurs. Le CNRS favorisera le développement de telles études, en garantissant un vivier de compétences aujourd’hui déficitaire dans notre pays, en garantissant leur excellence scientifique, et en structurant les réseaux de collaboration interdisciplinaire et de communication externe qui leur sont indispensables.

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Colloque CNRS "Sciences et société en mutation" : compte-rendu (2)

Suite et fin de mon compte-rendu, correspondant à  l'après-midi du colloque (toujours visible en ligne)…

Recherche et enjeux de société

Il s'agit de la restitution des ateliers, ayant réuni de 20 à  80 chercheurs entre octobre 2006 et janvier 2007. Ou comment répondre à  des questions… par d'autres questions ! Au moins, la sauce des ateliers, des thématiques proposées[1] et des participants semble avoir prise. Comme le conclut Marie-Françoise Courcel (CNRS) : maintenant, nous devons nous mettre au travail, bien-sûr dans l'interdisciplinaire. C'est à  peu près l'endroit où nous sommes arrivés de nos réflexions ! Constructifs quand même, je retiens la volonté des chercheurs interdisciplinaires en sciences de la communication de se poser en discipline propre, la satisfaction des climatologues face à  leur participation au GIEC (mais qui regrettent que ce travail ne soit pas plus reconnu par les instances du CNRS), la proposition d'organiser des forums citoyens sur Internet via un wiki ouvert à  tous et d'adopter une charte du chercheur dans la société (pour éviter par exemple les prises de parole un peu bancales, comme celles de Claude Allègre sur le réchauffement climatique), la volonté de valoriser le jeune chercheur comme interlocuteur facilement disponible et accessible au grand public. Dans la discussion, le journaliste du Monde Sylvestre Huet remarque que pour que la communauté scientifique soit audible (par les journalistes en particulier), elle doit structurer son discours dans un état d'esprit semblable à  celui du GIEC : pas de "vérité officielle", pas de prises de positions radicales mais une construction pragmatique et ouverte. De nombreuses questions du public portent aussi sur le rôle potentiel des scientifiques dans les forums informels sur Internet (par exemple Scitizen) ou dans des parutions hors des sentiers battus et à  forte audience comme Le Monde diplomatique.

Comment construire la relation sciences-société ?

Dominique Meyer de l'Académie des sciences raconte une expérience originale (inspirée d'une action de la Royal Society) de "parrainage" entre un député, un membre de l'Académie des sciences et un jeune chercheur — les uns accompagnant les autres dans une journée de travail et vice-versa. Puis Michael Seifert raconte l'expérience allemande de la "Kinder-Uni" qui fait entrer des jeunes de 8 à  12 ans à  l'Université, un jour par semaine pendant l'été, afin de les faire assister à  des cours/conférences intitulées "Pourquoi le monde est-il multicolore ?", "Pourquoi ne nous est-il pas permis de cloner l'être humain ?" ou "Pourquoi les statues grecques sont-elles toujours nues ?". Le contenu autant que la mise en situation ("jeu de rôle") participent au succès de l'opération.

Paraskevas Caracostas de la Commission européenne fait ensuite le point sur les actions "Science en société" (et non plus "Science et société") dans le 7e Programme-cadre (PCRD). Celles-ci sont structurées en 4 sous-parties : "Une gouvernance plus dynamique des relations science et société", "Le renforcement du potentiel, l'ouverture des horizons", "La science et la société communiquent", "Activités stratégiques".

Clôture : questions à  deux philosophes

Le premier de ces deux philosophes est François Ewald, selon qui :

  • aujourd'hui, notre discours sur la science est celui d'un néo-rousseauisme : la science est le début du mal. Or la science et le type de connaissances induit par la science sont un progrès ;
  • il faut mettre fin à  la distinction entre la société et la science car la science est partout dans la société ! La science est devenue le langage requis pour parler des questions sociales, que l'on soit pour ou contre. (…) La science (…) est le lieu des combats sociaux et c'est la difficulté des institutions que de se distinguer, dans un monde qui est partout scientifique !

Le second philosophe est Jean Gayon, pour qui :

  • la solution au problème de la diffusion des sciences se situe non pas au niveau d'un organisme comme le CNRS mais de l'école et des médias (ce avec quoi je ne suis qu'à  moitié d'accord)
  • nous sommes face à  un nouveau régime d'échange avec le public
  • il faut massivement développer notre compréhension de la chose, il faut développer un corps de recherche en structurant les acteurs (sociologues et historiens des sciences, spécialistes de la vulgarisation et de la didactique des sciences, épistémologues) aujourd'hui épars.

Conclusion

Les Actes du colloques sont annoncés pour la fin mars, aux Editions du CNRS. Le site du CNRS accueillera aussi progressivement les données d'enquêtes sur la relation des scientifiques à  la société, y compris celles en cours, et le Journal du CNRS se fera l'écho des actions qui seront engagées.

Dernière remarque : la couverture par la presse nationale de l'évènement a été quasi-inexistante si j'en croie mon petit dispositif de "veille". Seuls Le Nouvel observateur / Sciences et avenir se distinguent par un article qui rapporte l'étude de Daniel Boy et du Cevipof selon laquelle les scientifiques ne sont pas outrageusement choqués à  l'idée que l’on puisse s'opposer à  certaines innovations techniques, voire les scientifiques ne sont pas des martiens ! Les journalistes étaient pourtant invités au colloque, avec force dossier de presse et places réservées...

Notes

[1] Savoirs et développement, Communication, Energie et climat et Emergence des nanosciences et nanotechnologies.

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Colloque CNRS "Sciences et société en mutation" : compte-rendu (1)

Voici un debrefiefing rapide du colloque (programme) qui se tenait hier au siège du CNRS, à  Paris, et que j'avais annoncé il y a plusieurs mois déjà . Toutes les interventions ont été filmées et sont visibles en ligne.

Participation

500 personnes s'étaient inscrites, malgré une publicité minime, avec 48 % de femmes (contre 42,5% au CNRS, soit une sur-représentation des femmes !), 20% de personnel non-CNRS et 29% de spectateurs venues des régions. Trois attentes ont été exprimées majoritairement par le public, lors de l'inscription :

  • qu'est-ce que la communication : raison, méthodes, posture etc. ;
  • besoin de comprendre quels sont les mécanismes à  l'œuvre dans les connexions entre science et société (appel aux sciences humaines, et en particulier à  la sociologie des sciences !) ;
  • comment modifier les politiques de recherche en général pour intégrer l'éthique et les préoccupations de la société.

Introduction par la présidente du CNRS, C. Bréchignac

Introduction très moyenne, pleine de lieux communs : aux scientifiques la rationalité, au grand public l'émotion et la peur. Le but du colloque pour Bréchignac : apprendre à  faire passer les messages dans la société. De dialogue, point. On est mal parti !!

"Une prospective de la société de la connaissance"

Heureusement, Paraskevas Caracostas (conseiller à  la DG Recherche de la Commission européenne) cadre le débat et détruit ces préjugés. Oui, il faut sortir du modèle de l'instruction publique. Non, l'autre solution n'est pas celle d'une recherche menée par les associations et ONG. Entre les deux extrêmes se déploie une palette d'interactions, et une multi-modalité des recherches, où la science n'est pas neutre, pure et désintéressée. De fait, la Commission européenne est passée d'un programme "Science et société" dans le 6e PCRD à  un programme "Science en société" dans le 7e PCRD. Et Caracostas de citer Dominique Pestre à  propos des nouveaux modes de production des savoirs, comprenant la question des modèles d'innovation ouverte et la critique des droits de propriété intellectuelle. Une excellente intervention !

La perception des attentes de la société par les scientifiques

Cette session a un parti pris original, qui sort de l'habituel refrain sur la "perception des scientifiques par le grand public". Il s'agit d'enquêter et d'interroger la perception qu'ont les scientifiques (du CNRS) des attentes de la société. Un film de Joà«lle Le Marec présente 18 entretiens réalisés avec des chercheurs, y compris Baudouin Jurdant.
Pabo Pablo Jensen fait une synthèse des rapports annuels d'activité des laboratoires et chercheurs du CNRS, et présente quelques statistiques : le CNRS organise 7000 actions de vulgarisation par an (conférences, portes ouvertes, interview, accueil de scolaires etc.), mobilisant environ 1/3 des chercheurs. A comparer avec les 3/4 des chercheurs anglais mobilisés dans des actions de vulgarisation, selon un rapport de la Royal Society. 3% des chercheurs vulgarisent très souvent, et sont des "semi-professionnels", représentant 30% des actions ! Les départements "Chimie" et "Vivant" sont les moins actifs et contrairement aux idées reçues, on trouve une corrélation positive entre activité de vulgarisation et promotion CR1 -> DR2 -> DR1 !
Enfin, Daniel Boy présente les résultats d'une enquête menée auprès d'un échantillon de 2075 chercheurs et ingénieurs représentatifs de la population du CNRS. Où l'on s'aperçoit que le désir de rendre service à  la société est la deuxième motivation des chercheurs après la curiosité et que 2/3 des chercheurs se préoccupent de ce que la société pourrait attendre de leurs recherches. 28% des scientifiques pensent qu'il y a une crise entre la société et la science, contre 42% qui pensent qu'il n'y a pas de crise. 56% pensent qu'il y a une crise de vocation des jeunes, particulièrement dans le domaine des sciences de la vie ! 13% des scientifiques pensent que la science ne peut être faite que par des scientifiques et 27% pensent que les expériences de collaboration avec la société civile (associations de malades, etc.) sont intéressantes mais ne changent pas grand chose. Ce qui pourrait convaincre les chercheurs de communiquer encore plus sont d'abord la possibilité de développer des contacts favorables aux recherches, et ensuite d'obtenir des financements !
Je retiens enfin dans le débat l'intervention une chercheuse d'Aix-en-Provence, qui travaille sur la question de l'exclusion et interagit constamment avec politiciens d'une part et associations de la société civile d'autre part, pour qui valorisation et vulgarisation se confondent et, au-delà  de cette transmission, le vrai enjeu est celui de la co-construction : ses propres travaux s'inscrivent dans des préoccupations de société et se définissent avec la participation directe du "tiers-secteur".

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