La science, la cité

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Nouvelles du front (14)

Le 22 septembre 2008, Bruno Laurioux remettait à  Michel Callon la médaille d'argent du CNRS qui distingue un chercheur pour l'originalité, la qualité et l'importance de ses travaux, reconnus sur le plan national et international. Dans son discours, la directrice du Centre de sociologie de l'innovation Madeleine Akrich reconnaissait l'extrême diversité des chercheurs et doctorants recrutés par Michel Callon, avec des profils allant de l'histoire aux mathématiques en passant par les sciences politiques, l'ingéniérie, l'urbanisme, l'anthropologie, l'économie, la gestion etc. Et elle proposait cette lecture magnifique :

S'agirait-il de cette interdisciplinarité dont on entend beaucoup parler ? Je ne le crois pas. Il me semble que l'on se situe dans ce que j'appellerais maladroitement de l'adisciplinarité, qui correspond à  une volonté consciente et réfléchie d'échapper aux cadres disciplinaires. La grande différence étant à  mes yeux que l'interdisciplinarité part des disciplines pour essayer de converger sur un objet, alors que l'adisciplinarité se situe ailleurs, dans un autre espace que celui quadrillé par les disciplines, et permet de faire émerger de nouvelles approches par sa focalisation première sur des questions “ sans arrêt renouvelées par le contact avec les acteurs extérieurs à  la recherche “ plutôt que sur des réponses déjà  apportées par des champs disciplinaires. Cela n'implique évidemment pas de se priver des apports d'autres travaux, mais plutôt une manière particulièrement libre de circuler à  l'intérieur de ces corpus, de tenter des rapprochements, d'opérer des déplacements.

Le 13 octobre, la revue en accès libre PLoS Biology fêtait ses 5 ans. Personnellement, je me souviens du temps passé à  la bibliothèque de l'Agro à  suivre frénétiquement les premiers pas de cette révolution. Je photocopiais les articles de Nature où il était question du projet d'Harold Varmus et ses acolytes (notamment les articles d'août 2002 et octobre 2003), une idée que je trouvais magnifique malgré un nom qui me semblait bizarre (et vague) : PLoS, pour Public Library of Science. De l'eau a coulé sous les ponts et je n'aurais pu imaginer à  quel point l'accès libre est aujourd'hui omniprésent, et PLoS avec lui ! J'y vais donc de mon hommage : ce blog n'existerait pas sans ces premiers émois face à  la perspective de l'accès libre et au choc que fut la découverte de Bruno Latour et La vie de laboratoire, à  peu près à  la même époque. Merci à  eux !

En 2003, ma photocopie de l'article "Nature" qui annonçait le lancement de PLoS #iloveopenaccess

Le 5 novembre, Tom Roud se lançait dans un décortiquage en règle du classement de Wikio et, comme avec la chaîne "Why blog?", faisait ressortir l'expérimentateur en lui (caché pas si loin derrière le théoricien) en lui jetant en pâture un blog artificiel créé pour l'occasion.

Le 11 novembre, un article des physiciens français Gilles Chériaux et Jean-Paul Chambaret (rattachés à  l'Ecole Polytechnique) était rétracté, six mois après qu'un blogueur se soit rendu compte que c'était un plagiat éhonté d'un article déjà  paru.

Le 13 novembre, l'éditorial de la revue Nature soulignait le danger que représente la contestation devant les tribunaux de résultats scientifiques, à  l'opposé de la transparence et de la discussion qui sont censés organiser la communauté scientifique. Et de citer cette récente poursuite par l'entreprise Biopure de chercheurs ayant publié dans le Journal of the American Medical Association une méta-analyse défavorable à  l'un de ses produits (un substitut sanguin), l'entreprise arguant des pertes financières encourues à  cause de cet article erroné selon eux.

Le 20 novembre, à  l'initiative du département SHS du CNRS, la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme recevait une journée d'études sur "Pourquoi déposer dans HAL SHS ? Les enjeux des archives ouvertes".

Jusqu'au 30 novembre, l'INED vous invite à  participer à  son enquête sur l'usage des langues vivantes dans la recherche dont l'objectif est de dresser un état des lieux plus approfondi des pratiques et des opinions individuelles sur la question des langues dans les sciences et de donner la parole à  tous les acteurs de la recherche.

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Mes lectures de sociologie des sciences

Je suis fasciné par les bibliothèques, je ne vous le cache pas. Alors j'aime cette idée de partager avec vous mes livres consacrés à  la science et les questionnements qui la concernent. Une sorte de témoignage personnel sur mes lectures mais également, je l'espère, un guide de lecture pour les plus novices. On commence avec les livres déjà  lus :

De droite à  gauche :

  • Les Dossiers de La Recherche, "Sciences à  risque", février-avril 2007, n° 26
  • Bruno Latour, L'espoir de Pandore, La Découverte, coll. "Poche", 2007 (1ère édition 1999)
  • Catherine Allamel-Raffin et Jean-Luc Gangloff, La raison et le réel, Ellipses, coll. "Champs philosophiques", 2007 ” un livre de philosophie par deux enseignants de mon Master
  • Bruno Latour, Nous n'avons jamais été modernes, La Découverte, coll. "Poche", 1997 [1991]
  • Bruno Latour, Le métier de chercheur, Inra éditions, coll. "Sciences en question", 2001 ” dont Fr. écrit : excellentissime, de loin son texte qui m'a le plus marqué
  • Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes suivi de Irréductions, La Découverte, coll. "Poche", 2001 [1984]
  • Pascal Lapointe et Josée Nadia Drouin, Science, on blogue !, Editions Multimondes, 2007 ” le premier livre sur le sujet, incontournable
  • Michel Callon (dir.), La science et ses réseaux, La Découverte, coll. "Textes à  l'appui", 1988

  • Valérie Peugeot, Pouvoir savoir, C&F éditions, 2005 ” un livre que j'ai lu quand je m'intéressais à  la question des droits de propriété intellectuelle
  • Daniel Raichvarg, Sciences pour tous ?, Gallimard, coll. "Découvertes", 2005
  • Alan F. Chalmers, Qu'est-ce que la science ?, Le livre de poche, coll. "Biblio essais", 1987 [1976] ” un livre qui a reçu l'assentiment de Pablo : la meilleure présentation que je connaisse des théories épistémologiques
  • Terry Shinn et Pascal Ragouet, Controverses sur la science, Raisons d'agir, coll. "Cours et travaux", 2005 ” je le citais dans mon billet sur l'affaire Sokal
  • Nicolas Witkowski, Une histoire sentimentale des sciences, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2003 ” un très beau livre pour mettre la science en culture
  • Colin Ronan, Histoire mondiale des sciences, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 1988 [1983] ” une référence classique mais utile
  • Bruno Latour, Petites leçons de sociologie des sciences, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 1996 [1993] ” j'en offrais un extrait dans ce billet
  • Nelson Goodman, Manière de faire des mondes, Gallimard, coll. "Folio essais", 2006 [1978] ” une comparaison entre les approches de l'artiste et celles du scientifique, qui m'a tenu relativement en échec
  • Paolo Rossi, Aux origines de la science moderne, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2004 [1999] ” un excellent vademecum sur la naissance de la science moderne et ses institutions, pratiques

  • Jean-Paul Gaudillière, La médecine et les sciences, La Découverte, coll. "Repères", 2006 ” une synthèse indispensable par un des meilleurs chercheurs contemporains en histoire des sciences médicales
  • Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, La Découverte, coll. "Repères", 2006 ” une autre synthèse indispensable par un autre chercheur de référence
  • Giovanni Busino, Sociologie des sciences et des techniques, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1998 ” un livre qui joue son rôle dans cette collection bien connue, ni plus ni moins
  • Emile Guyénot, L'origine des espèces, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1961 ” une trouvaille de bouquiniste, assez vieillotte, qui a utilement complété ma lecture de Darwin
  • Joà£o Caraça, Science et communication, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1999 ” un livre méconnu qui aborde des thématiques qui me sont chères, que j'ai cité abondamment dans ce billet
  • Harry Collins et Trevor Pinch, Tout ce que vous devriez savoir sur la science, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2001 [1993] ” un livre de deux fameux sociologues des sciences qui gagnerait à  être enseigné dans tous les lycées, que j'ai cité dans ce billet et qui m'a bien servi dans mon billet sur les preuves de la relativité
  • Jean-Marc Lévy Leblond, La pierre de touche, Gallimard, coll. "Folio essais", 1996 ” un autre livre qui m'est cher, par son érudition et sa diversité (c'est un recueil), dont je me suis servi pour ce court billet
  • Jà¼rgen Habermas, La technique et la science comme "idéologie", Gallimard, coll. "Tel", 2005 [1968] ” une recommandation de Fr., dont je n'aurai pas la prétention de dire que j'ai tout compris mais qui m'a fourni la matière à  un "Trouvez l'auteur"
  • Georges Lochak, Défense et illustration de la science, Ellipses, 2002 ” le livre d'un physicien vieille école qui m'a profondément énervé, même si cela ne se voit pas dans ce billet !
  • Jean-Marc Lévy-Leblond, La science en mal de culture, Futuribles, coll. "Perspectives", 2004 ” très cher pour pas beaucoup d'idées neuves
  • Pierre-Gilles de Gennes, Petit point, Le Pommier, 2002 ” un petit livre touchant sur le milieu de la recherche, dont j'ai fait l'éloge chez David Monniaux
  • Frédérique Marcillet, Recherche documentaire et apprentissage, ESF éditeur, coll. "Pratiques & enjeux pédagogiques", 2000 ” ce livre et les suivants m'ont servi pour mettre au point mon atelier sur la science dans la bibliothèque
  • L'Ecole des lettres des collèges, "Quel CDI voulez-vous ?", numéro spécial, 1996
  • L'Ecole des lettres des collèges, "Les textes documentaires au collège", n° 12, avril 1999
  • Isabelle Pailliart (dir.), La publicisation de la science, Presses universitaires de Grenoble, coll. "Communication, médias et sociétés", 2005 ” seule la contribution de Joà«lle Le Marec, que je citais dans ce billet sur la co-construction des savoirs, m'a vraiment marqué
  • Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, coll. "Champs", 1983 [1962]

On reprend avec deux minces brochures :

  • François Briatte, "Un stigmate épistémologique. Le relativisme dans le strong programme de David Bloor" et "Entretien avec David Bloor", Tracés, n° 12, 2007 ” tiré à  part offert par l'auteur ;-)
  • Edgar Pisani, Ingénieurs, Hommes, Citoyens, discours de remise des diplômes des élèves de l'Institut national agronomique Paris-Grignon, 2005
  • Daniel Raichvarg, Louis Pasteur, l'empire des microbes, Gallimard, coll. "Découvertes", 2003 [1995]
  • René Dubos, Louis Pasteur, franc-tireur de la science, La Découverte, 1995 [1950]
  • Bruno Latour, Chroniques d'un amateur de sciences, Presses des Mines de Paris, coll. "Sciences sociales", 2006 ” voir mon compte-rendu de lecture
  • Alliage, "L'écrit de la science", n° 37-38, 1998
  • Francis Agostini (dir.), Science en bibliothèque, Editions du cercle de la librairie, coll. "Bibliothèques", 1994
  • Sciences de la société, "Sciences et écriture", n° 67, 2006
  • Genesis, "Ecriture scientifique", 2003
  • Cahiers pédagogiques, "Expérimenter", n° 409, 2002

Puis viennent les livres à  lire ou relire :

  • Bruno Latour, La science en action, Gallimard, coll. "Folio essais", 1995 [1987]
  • Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l'analogie, Raisons d'agir éditions, 1999
  • Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Le livre de poche, coll. "Biblio essais", 1997
  • Helen E. Longino, Science as social knowledge, Princeton University Press, 1990
  • Joseph E. Harmon et Alan G. Gross, The scientific literature, The University of Chicago Press, 2007
  • Dominique Lecourt, Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences, PUF, coll. "Quadrige", 2006 [1999]
  • Marianne Doury, Le débat immobile, Editions Kimé, 1997
  • Jean-Michel Berthelot, Figures du texte scientifique, PUF, coll. "Science, histoire et société", 2003
  • Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification, NRF, coll. "Essais"

  • Observatoire des sciences et des techniques, Les chiffres clés de la science et de la technologie, Economica, coll."Economie poche", 2003
  • Michel Cotte, De l'espionnage à  la veille , Presses universitaires de Franche-Comté, 2005
  • Jean-Michel Berthelot, Olivier Martin et Cécile Collinet, Savoirs et savants, PUF, coll. "Science, histoire et société", 2005
  • Bernadette Bensaude-Vincent, La science contre l'opinion, Les empêcheurs de penser en rond, 2003 [1999]
  • Jean-Pierre Astolfi et Michel Develay, La didactique des sciences, PUF, coll. "Que sais-je ?", 2005
  • Pierre Laszlo, La découverte scientifique, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1999
  • Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes suivi de Discours sur les sciences et les arts, GF Flammarion, 1992
  • Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, GF Flammarion, 1996
  • Bruno Latour et Steve Woolgar, La vie de laboratoire, La Découverte, coll. "Poche", 1996 [1979]
  • Jean Fourastié, Les conditions de l'esprit scientifique, Gallimard, coll. "Idées NRF", 1966
  • Martine Comberousse, Histoire de l'information scientifique et technique, Armand Colin, coll. "128", 2005 [1999]
  • Michel de Pracontal, L'imposture scientifique en dix leçons, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2005 [1986]
  • Stephen Jay Gould, Darwin et les grandes énigmes de la vie, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 1997 [1977]

Tous ces livres devraient être à  l'honneur lors du salon littéraire "Science et société" prévu les 15 et 16 novembre à  Sucy-en-Brie, même si les informations détaillées se font attendre…

Surtout, ce billet vient un peu refermer la porte de cette bibliothèque : après avoir soutenu mon Master de sociologie des sciences, je vais enfin pouvoir varier les lectures !

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Nouvelles du front (13)

En juillet, Jà¶rg P. Dietrich complétait dans les Publications of the Astronomical Society of the Pacific son enquête sur le serveur arXiv et le nombre accru de citations dont bénéficient les chercheurs qui soumettent leur article au tout dernier moment de la journée et se retrouvent le lendemain en haut des listes (rappel). Cette fois, il a pu montrer qu'il y a deux effets qui se mélangent : d'une part, les chercheurs vont avoir tendance à  promouvoir leurs meilleurs articles en utilisant cette stratégie (or qui dit meilleure qualité dit plus de citations) et d'autre part, les articles rendus plus visibles par ce stratagème deviennent plus cités (indépendamment de leur qualité intrinsèque). Les administrateurs d'arXiv ont eu vent de cette faille du système et promettent une solution pour bientôt...

Le 8 août, un article de la revue Science se penchait sur l'effet des sanctions des chercheurs accusés de comportement déviants (falsification de données, plagiat etc.) par l'Office of Research Integrity (ORI) américain. La plupart de ces sanctions sont administratives et les auteurs constatent que la falsification ou fabrication de données sont punies plus sévèrement que le plagiat, celui-ci n'entraînant jamais de rétraction d'article. Parmi les 43 chercheurs sanctionnés de l'échantillon, une recherche bibliographique montre que le déclin du nombre de publications est significatif après la sanction, 51% d'entre eux publiant en moyenne un article par an et 12 ne publiant même plus. Sur les 28 chercheurs qui ont pu être retrouvés, la plupart avait changé de travail même si 43% sont restés dans le milieu académique. Certains racontent aussi que leur vie privée en a souffert...

La semaine suivante, Nature rapportait les problèmes éthiques et de procédure d'un travail publié dans le Lancet, touchant à  de la chirurgie urologique à  base de cellules souches. L'essai clinique n'avait pas été autorisé, les patients pas suffisamment informés de la nature de la procédure et pas assurés, le protocole expérimental mal conçu. Et comme souvent, on retrouve des co-signataires de complaisance, dont la publication dit pourtant qu'ils ont participé à  toutes les recherches et traitements.

Pablo Jensen a publié dans le numéro d'août de la revue Science and Public Policy l'étude qu'il présentait au colloque CNRS "Sciences et société en mutation" en février dernier. Laquelle montre que les scientifiques ouverts sur la société publient plus d'articles et que ceux-ci ont plus d'impact en termes de citations, mais aussi que l'implication dans des activités de diffusion n'est pas pénalisante pour la carrière.

Le 29 août, la revue Science rapportait un cas de fraude sur des travaux ayant démontré l'effet cancérigène des champs électro-magnétiques émis par les téléphones portabless. L'histoire est une des plus compliquée que j'ai jamais lu, avec de nombreuses controverses et, on s'en doute, de nombreux enjeux citoyens et économiques.

Le numéro de Nature du 25 septembre consacrait un dossier tout à  fait sérieux à  l'élection américaine. Malheureusement, la quatrième de couverture entrait étrangement en résonance avec la couverture (via Bora). Times Online en parle aussi mais ne dit pas s'il a trouvé l'information sur les blogs.

 OOPS!<br /><br />NATURE, 25 September 2008.<br /><br /><br />

Le classement des revues scientifiques par l'European Science Foundation fait quelques remous, certains comités éditoriaux s'émouvant de leur mauvaise note tandis que d'autres refusaient même de figurer dans le classement ! Dans un excellent texte (via Urfist Info via Pierre Mounier), Yves Gingras explique que ces revues d'histoire et de sociologie des sciences se sont concertées pour dénoncer ces classements superficiels et unidimensionnels et plus ou moins occultes quant à  leur méthode mais regrette la confusion qui existe entre évaluation et bibliométrie (la première étant anarchique et normative, la seconde étant méthodique et descriptive).

Les 1er et 2 octobre s'est tenu à  Paris un colloque sur la réforme et l'avenir de la recherche, sous l'égide de l'ASPERT (Association d'échanges et de réflexion sur l'analyse stratégique, la prospective et l'évaluation de la recherche et de la technologie). Quelqu'un a entendu parler des retombées ? Pas moi en tous cas…

Pour l'automne, le CNRS revêt une nouvelle robe et annonce un nouveau logo avec un choix précis de couleurs qui identifieront les nouveaux instituts à  venir – et ceux déjà  existants – dont le nom figurera juste en dessous du logotype. Son nouveau film institutionnel est quant à  lui signé Jean-Jacques Beineix.

[Mà J 17h45] : Le CNRS explique que pas tout à  fait ronde, novatrice, la forme du logo figure le processus même de la recherche, toujours en devenir, et évoque la matière mise à  la disposition de nos chercheurs par notre planète. ( ) Cette forme, qui le distingue clairement, permet aussi une meilleure visibilité aux côtés d'autres logotypes dans les cas de partenariats. J'espère pour eux qu'ils n'ont pas prévu de collaborer avec le Danemark !

Un premier pas vers le parlement des choses voulu par Bruno Latour ? On nous promet en effet le parlement des créatures pour novembre prochain : le parlement des créatures va faire ressortir les manières dont les plantes, animaux et champignons sont incorporés et exclus des mondes sociaux humains.

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Soutenance, enfin

Après avoir terminé puis repris les études, me voici sur le point de terminer une seconde fois : mon mémoire de Master "Etudes sociales des sciences et des technologies" a été envoyé aux quatre membres du jury et je m'apprête à  le soutenir mardi prochain. Le sujet de ce travail, je crois, surprendra les lecteurs de ce blog : j'aurais pu me faciliter la tâche et choisir d'étudier les blogs de science, ou les manières de montrer la science en train de se faire, ou toute autre problématique souvent abordée ici-même. Au lieu de ça, il a fallu que mes études d'agronomie me fassent croiser la route des stimulateurs des défenses naturelles des plantes (SDN). Je leur ai consacré un travail bibliographique à  l'Agro, l'occasion de mieux comprendre cette famille originale de pesticides qui aide la plante à  se défendre (on les surnomme aussi "vaccins des plantes"). Mais je voyais bien que je ne pouvais comprendre que 50% des SDN. L'essentiel était invisible pour les yeux… de l'agronome. Il fallait faire œuvre de sociologue pour comprendre ce que travailler sur les SDN veut dire, ce qu'ils doivent déplacer et reconfigurer pour se faire une place au soleil. Bref, les SDN étaient le premier objet "hybdride" (pour reprendre la terminologie de la sociologie des sciences) que je rencontrais pour de vrai.

Du coup, dès que je me suis inscrit en Master, j'ai demandé si l'on était libre de choisir son sujet de mémoire, pour pouvoir le leur consacrer. C'est chose faite, et j'ai cherché à  les accommoder à  la façon de mon autre obsession : Bruno Latour. La soutenance ci-dessous, offerte sous la forme d'un slidecast (c'est-à -dire avec ma douce voix en prime), vous permettra donc de tout savoir (ou presque) sur les SDN avec une approche latourienne. Je ne mets pas mon mémoire en ligne, parce que j'y cite nommément un paquet de chercheurs qui n'ont pas donné leur accord pour voir leurs propos étalés ici. Mais voici déjà  une bonne synthèse et si une version anonymisée devait sortir un jour (pour un article scientifique ?), vous serez les premiers avertis…

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Des nouvelles de la discipline

Quelle est l'actualité de la sociologie des sciences ? En août, à  Rotterdam, se tenait le congrès annuel 4S-EASST (Society for the Social Studies of Science et European Association for the Study of Science and Technology). Le programme est habituellement très chargé, avec une assistance venue du monde entier (et de plus en plus d'Asie de l'est), et c'est souvent l'occasion pour les doctorants de se faire voir un peu. Cette année, un blog a été tenu par un participant, pour nous faire vivre le congrès de l'intérieur. Extrait :

J'ai démarré aujourd'hui par une session consacrée aux réseaux, et j'ai été frappé par la manière dont les gens visualisent les réseaux et topologies de l'innovation technologique, essayant d'apporter du concret aux mondes de la théorie de l'acteur-réseau [celle de Latour et Callon] et de la théorie de l'activité. Le côté pervasif des réseaux et de leurs images s'étend à  la recherche elle-même, ou au moins à  des vues nouvelles sur l'action des gènes comme l'a décrit Christophe Bonneuil dans un article.

Puis il rend compte de discussions sur le rôle de l'imaginaire dans le développement technologique, une session sur le thème "Développement et matérialité" avec une étude comparative Argentine/Chine et une autre session sur la recherche pharmaceutique. Une des tendances qu'il a observées cette année est la fécondité des échanges entre sociologie des sciences et études sur le développement, autour de thèmes communs comme l'expertise, la participation, la responsabilité, les processus d'inclusion ou d'exclusion lors de prises de décision. Les études sur le développement ont probablement apprendre de l'approche critique de l'expertise fournie par la sociologie des sciences, tandis que cette dernière peut s'inspirer des scientifiques dissidents des études sur le développement et leur habitude de saisir des controverses de grande ampleur (pesticides, barrages, sols, désertification etc.).

L'autre thème qui l'a marqué est celui de l'imaginaire, la manière dont les attentes et visions du futur sont crées et entretenues, et comment elles façonnent les perceptions publiques des utopies ou dystopies à  venir, fondées dans les peurs et espoirs présents. Ainsi, générer et entretenir le juste niveau d'attentes (permettant de créer des visions crédibles du futur et de soutirer des financements) tout en ne risquant pas de faillir à  ses engagements, est un art en soi !

Enfin, le blogueur ("Dom") n'hésite pas à  rendre compte de ce qui fait le sel des congrès, y compris la manière dont sont habillés les participants (description plutôt flatteuse pour la discipline d'ailleurs !).

Au même moment que ces sociologues se rassemblaient, un article paraissait dans EMBO Reports pour prendre du recul sur une profession très proche, à  l'intersection entre science et société (via Nautilus). Les auteurs de l'Université de Maastricht reviennent sur les études des aspects éthiques, légaux et sociaux des développements scientifiques et technologiques (ELSA), qui tente selon eux de réussir là  où l'histoire des sciences a échoué : réconcilier la science avec la société, et les sciences naturelles avec les SHS. Cette mission que l'histoire des sciences s'était assignée après-guerre, E. J. Dijksterhuis l'avait énoncée en 1953 en reprenant la fameuse image de l'océan séparant les deux cultures selon C. P. Snow :

Le détroit qui nous sépare est très large. [Par contre], vous trouverez en amont un ferry qui peut vous faire traverser. Ce ferry est nommé histoire des sciences et je serai un homme heureux si vous acceptez que je sois votre capitaine.

Dans leur article, les auteurs font valoir que le ferry moderne des ELSA est une entreprise collective, qui a besoin de ses articles, revues, cours, laboratoires, institutions. Sauf que souvent, en prétendant créer une passerelle et se faire médiateur, on augmente que plus la distance qui sépare deux rives. Ils ont donc interrogé huit chercheurs parties prenantes de programmes ELSA, qui reflètent bien la difficulté de situer ce courant : pour certains c'est un assemblage lâche, auquel chaque chercheur contribue sans changer profondément son appartenance disciplinaire, les biologistes et philosophes ou sociologues se côtoyant ponctuellement pour écrire un article ou participer à  un congrès. Est cité en exemple le programme de recherche en éthique, droit et sociologie qui accompagnait le projet de séquençage du génome humain — une expérience qui est apparemment considérée comme un échec. Pour d'autres, il faut au contraire fusionner les horizons de chaque spécialiste et les faire réellement dialoguer afin que l'entreprise fonctionne : il s'agit de dépasser l'océan entre les deux cultures plutôt que de le réduire, par exemple en créant des modules "Biologie et société" dans les formations de biologie ou en conditionnant le financement de programmes de recherche en génomique à  l'existence d'un volet "science dans la société".

En tous cas, en vue des débats brûlants d'actualité scientifique et de la priorité politique qui lui est accordée, le champ ELSA a toutes les armes en main pour réussir là  où l'histoire des sciences a échoué ! Il a déjà  ses revues, ses institutions et forums, ses financements, ce qui en fait un champ professionnel bien établi… et toujours ravi d'accueillir de nouveaux membres !

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